Revue Suisse 1/2018
8 Revue Suisse / Janvier 2018 / N°1 première fois, le débat sur les médias n’est plus abstrait, il devient quelque chose de concret qui ne laisse personne in- différent: on pourra se prononcer dans les urnes pour le dé- mantèlement de la radio et la télévision suisses, ou s’enga- ger pour lemaintien de la SSR. Beaucoup verront dans leur journal de prédilection comment se manifeste le déman- tèlement de la presse, notamment par une uniformisation accrue. «Dans une démocratie, l’information doit être accessible à un large public», comme l’a écrit la spécialiste des médias Silke Adam sur la plate-forme d’information Infosperber. «Les personnes diplômées auront toujours accès à l’infor- mation, mais il faut veiller àmaintenir le seuil d’accès à l’in- En profondeur Berne, Haute-Argovie et Argovie. Christoph Blocher ac- quiert ainsi non seulement des journaux, mais aussi un ré- seau de distribution qui peut si nécessaire être aussi utilisé à des fins politiques. Il y a longtemps que Christoph Blocher œuvre à la construction de son empire médiatique. Il possède sa propre chaîne de télévision Teleblocher et contrôle la Basler Zeitung depuis plusieurs années. Il a tenté et tente réguliè- rement par différents moyens de mettre la main sur de grands éditeurs et journaux, comme la Neue Zürcher Zei- tung et le tabloïd Blick. Cependant, de nouvelles approches viennent renouve- ler le paysagemédiatique, des approches pour ainsi dire ve- nues «d’en bas» qui tentent de donner un nouvel élan au journalisme suisse: les médias entièrement numériques. Outre des sites relativement petits comme Infosperber et Journal 21, Republik vient de se lancer, affichant de grandes ambitions et de belles paroles: «Le journalisme est un en- fant des Lumières. Il a pour mission de critiquer le pouvoir. C’est pourquoi le journalisme doit être plus qu’une activité comme une autre au sein d’un grand groupe.» Republik veut être unmagazine numérique indépendant qui met l’accent sur la hiérarchisation des informations et des recherches approfondies. Il compte se passer d’annonceurs et se finan- cer uniquement grâce à ses lecteurs. L’abonnement annuel coûte au moins 240 francs. Son lancement a eu un écho spectaculaire grâce à un fi- nancement participatif organisé en avril 2017. Jamais aupa- ravant une action de crowdfunding pour un projet média- tiquen’avait connuun tel succès. Les fondateurs deRepublik voulaient récolter 750000 francs en un mois. Ils ont eu la surprise de recueillir 1,8 million de francs dans les 24 pre- mières heures, avant même la parution du premier article. «Le quatrième pouvoir» arrive au cinéma Pour le réalisateur bernois Dieter Fahrer, cet enthousiasme montre que le besoin d’information, de hiérarchisation des informations et de journalisme existe toujours. Il s’est in- téressé pendant près de trois ans aux médias suisses et a réalisé un documentaire intitulé «Die Vierte Gewalt» (le quatrième pouvoir) qui sort en salles mi-février. Ce film présente des journalistes dans leur travail quotidien, les interroge sur les possibilités et les limites de leur métier, sur les changements fulgurants dans l’économie de l’atten- tion et les répercussions sur l’opinion publique et le dis- cours démocratique. Dieter Fahrer serait heureux que ce documentaire contribue à faire prendre conscience aux gens qu’un journalisme de qualité requiert du temps et de l’argent. Le fait que l’on tourne des films sur la question des mé- dias souligne l’urgence et l’importance de ce sujet. Pour la Christoph Blocher, associé de la Basler Zeitung, a aussi ra- cheté l’éditeur Zehn- der et ses 38 titres l’année dernière. (Sur la photo: Blocher en face-à- face avec Susan Boos de la WoZ.)
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