Revue Suisse 2/2019

Revue Suisse / Mars 2019 / N°2 22 Société La presse romande part en lambeaux Disparition de titres, licenciements, fusion de rédactions: la presse romande souffre. Quelques initiatives ont lieu, mais le rôle rassembleur des journaux est en péril, juge un analyste des médias. STÉPHANE HERZOG «Si ça continue ainsi, il y aura bientôt plus de journalistes au chômage que de journalistes pour parler des restructurations». Ainsi s’était exprimé fin 2017 lemaire de Genève, Sami Kanaan, lors d’une séance du Conseil municipal. La Suisse romande ne réunit plus assez lecteurs et d’argent pour nourrir ses nom- breux titres. A l’été 2018, la disparition du «Matin» a laissé 41 personnes sur le carreau. Elle a fait suite à celle de «L’Hebdo», un anplus tôt. Les années 1990 avaient déjà vu cesser deux titres historiques: «La Suisse» et le «Journal de Genève», puis «Le Nouveau Quoti- dien». Les journaux font pour la plupart face à des difficultés, même si les chiffres ne sont pas divulgués. «La Tribune de Genève perd de l’argent, ça a été reconnu par la groupemédia Tamedia, de même que Le Temps , même si ce n’est pas vérifié. Le Matin Di- manche commencerait aussi à en perdre», résume Alain Mail- lard, rédacteur en chef jusqu’à fin 2018 d’«Edito», le journal syn- dical des médias. Vers un journal romand unique «24heures» et «La Tribune deGenève» ont vu une partie de leurs rédactions fusionner dans une super-rédaction de leur éditeur Tamedia. Celle-ci regroupe également des journalistes du «Ma- tin dimanche». «Il ne reste à ces journaux que les informations locales, la seule chose qu’on ne peut pas exporter. Il pourrait en résulter un seul titre romand», estime Fabio Lo Verso, ana- lyste médias et ancien directeur du journal «La Cité», titre disparu fin 2018. En cause, un effondrement des recettes publicitaires, qui ontmigré vers des plateformes de vente du type Ricardo et une érosion du lectorat, chez les jeunes en particulier. «Ils n’achètent plus d’information», selon Alain Maillard, qui pointe aussi une difficulté pour les titres à effectuer le vi- rage du numérique. Cette transition réduit les coûts de pro- duction, mais ne permettra pas forcément de compenser le rendement plus faible des annonces web. La presse régionale comme outil de la démocratie Les deux Romands appellent de leurs vœux un soutien pu- blic à la presse, qui pourrait passer par unemodification de la Constitution. Ils notent que l’information sur la chose publique résiste, notamment grâce au service public. «La presse régionale apporte une information partagée par le plus grand nombre, ce qui est nécessaire pour le débat dé- mocratique», rappelle Alain Maillard. Les titres qui résistent et les nouveaux médias Certains titres parviennent à faire face. Ce serait le cas de «La Liberté» (FR), dont le capital est semi-public. Quant au «Courrier» (GE), qui tire à 7000 exemplaires, il continue sa route militante grâce au soutien de ses abonnés. Heidi. news, journal web et papier, produira dès ce printemps du journalisme scientifique. Le titre sera dirigé par Serge Mi- chel, journaliste suisse, qui a travaillé au journal «Le Monde». Il a reçu l’appui de Tibère Adler, issu du think tank Avenir Suisse. «Les premiers fonds sont venus des fonda- teurs», indique Heidi.news. Enfin, des journalistes issus du feu «Matin» seraient en train de plancher sur une for- mule originale, qui serait réalisée en lien avec des cafés et des restaurants. La disparition du célèbre titre a provoqué un tollé en Suisse romande. Mais cela pourrait ne pas suffire pour enrayer la tendance. Photo Keystone

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