Revue Suisse 2/2019
Revue Suisse / Mars 2019 / N°2 9 «Un métier formidable» Gabriela Rohrer a repris un vieux cabinet médical dans la campagne lucernoise. Elle explique la façon dont les choses se sont faites, et ce qu’elle aime dans le métier. INTERVIEW: SUSANNE WENGER Revue Suisse: Madame Rohrer, en tant que jeune médecin, qu’est-ce qui vous a poussée à reprendre un cabinet à la campagne? Gabriela Rohrer: Je me suis posé la question inverse: pourquoi travailler en ville? Je me sens bien ici, dans la jolie campagne de l’Entlebuch. J’aime me balader dans la nature. Et du point de vue médical, c’est passionnant de travailler à la cam- pagne. Pourquoi? Parce que j’ai affaire à tout l’éventail des activités médicales. En ville, les enfants vont chez le pédiatre, les femmes chez la gynécologue, et les personnes qui se cassent le poignet se rendent aux urgences d’un hôpital. C’est très différent ici. Je suis la pre- mière interlocutrice pour tous les problèmes de santé. Votre prédécesseur a été médecin au village pendant plusieurs décennies. Comment la succession s’est-elle faite? Les villageois se sont beaucoup inves- tis pour conserver leur cabinet médi- cal. Souvent, l’investissement dedépart est un obstacle pour les jeunes méde- cins. Une coopérative a donc été créée, à laquelle ont pris part, outre la com- mune, de nombreux particuliers de la région. La coopérative a racheté l’im- meuble, et loue le cabinet. L’entreprise qui l’exploite appartient àmonconjoint et à moi-même. Les deux autres méde- cins du cabinet sont nos employés. Cela peut paraître compliqué, mais l’impor- tant est que cela fonctionne. Qu’avez-vous changé par rapport à l’activité traditionnelle des médecins de famille d’antan? J’ai beaucoupde respect pour ce qu’ont accompli ces médecins. Mon prédéces- seur a marqué tant de familles. Il a ac- compagné des personnes pendant toute leur vie, à travers leurs soucis, leurs peines et leurs joies. Bon nombre de patients n’ont connu que lui. J’aime moi aussi le fait de pouvoir accompa- gner les gens sur ladurée. Celadit, nous avons tout de même changé certaines choses. Nous avons mieux organisé le cabinet et défini plus clairement les ho- raires oùnous sommes joignables. Il est important pour moi d’avoir des mo- ments où je ne suis pas disponible, des après-midi de congé et des nuits où je peux dormir d’une traite. Vous êtes présidente de l’association «Jeunes médecins de premier recours Suisses». Pourquoi le métier de médecin de famille intéresse-t-il à nouveau les jeunes? Cela a toujours été le cas. C’est un mé- tier formidable. Les jeunes s’en sont détournés pendant un temps pour d’autres raisons: pas d’encouragement de la relève, peu de contacts avec la pra- tique pendant les études. La politique compliquait la vie des médecins de fa- mille.Mais les choses ont changé entre- temps. La médecine de famille a pris une tout autre signification sur le plan politique, et il y a eu beaucoup d’amé- liorations auniveaude la formation. Les médecins de famille eux-mêmes ont pris consciencequ’ilsdevaient sebattre et dépoussiérer leur image. Nous avons plantéunegrained’enthousiasmepour ce métier auprès des jeunes, il faut l’ar- roser pour en récolter les fruits. L’am- pleur des tâches administratives peut faire peur. Si vous voyiez le nombre de formulaires que je remplis! Je préfére- rais consacrer ce temps àmes patients. Gabriela Rohrer représente la nouvelle génération des jeunes médecins de famille. Photo Danielle Liniger Gabriela Rohrer, médecin spécialisé en médecine interne générale FMH. Elle dirige depuis début 2018 le cabinet de médecine générale Flühli dans la commune lucernoise de Flühli/Sörenberg. Elle a 35 ans et vient de la région bernoise.
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