Revue Suisse 2/2020

Revue Suisse / Avril 2020 / N°2 22 Société MIREILLE GUGGENBÜHLER Sur un forumInternet sur la santé des volailles, Isabelle, éle- veuse de poules, s’interroge: «Est-ce que je peux donner de l’aspirine àma poule? Elle a deux ans et je pense qu’elle s’est blessée à la patte. Je ne peux pas aller chez le vétérinaire avant lundi, et je n’arrive pas à l’avoir au téléphone. Elle a l’air d’avoir très mal. J’aimerais lui donner quelque chose pour la soulager.» La question d’Isabelle fait partie d’un exercice de la der- nière enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), une étude comparative menée tous les trois ans dans les pays membres ou partenaires de l’OCDE. L’objectif est d’évaluer les compétences d’élèves de 15 ans dans les domaines de la lecture, des mathématiques et des sciences naturelles. La poule a-t-elle besoin d’aspirine ou d’un vétérinaire? La dernière étude PISA a porté une attention particulière à la lecture. L’exemple du forum Internet sur la santé des volailles est tout à fait représentatif: les élèves de 15 ans devaient lire la question d’Isabelle et comprendre ce qu’elle cherchait à savoir. L’éleveuse de poules veut-elle sa- voir si elle peut donner de l’aspirine à sa poule blessée ou à quelle fréquence elle peut lui en donner? Demande-t- elle comment trouver un vétérinaire? Ou cherche-t-elle unmoyen de déterminer le niveau de douleur de sa poule blessée? De moins en moins d’élèves comprennent ce qu’ils lisent Lire un texte et le comprendre est une compétence qui s’amenuise chez les écoliers suisses, révèle l’étude PISA. D’après la représentante des enseignants de Suisse, il s’agit en fait d’une crise linguistique. À l’ordinateur, les élèves devaient cliquer sur la bonne ré- ponse. C’est la première fois que de tels exercices inte- ractifs faisaient partie du test à côté des exercices de lec- ture classiques avec des textes imprimés. D’après les personnes ayant mis en forme les résultats de l’étude pour la Suisse, cela est logique: la conception des tests PISA doit tenir compte de l’évolution de la société, et notamment de la «révolution numérique». La définition des compétences en lecture tient par conséquent désor- mais compte de la faculté d’utiliser les médias numé- riques. Comparés aux chiffres de 2015, les résultats suisses de l’étude montrent plusieurs évolutions: ■ ■ Les compétences en lecture des jeunes ont reculé. ■ ■ Le plaisir de lire a baissé chez les jeunes. ■ ■ La part des élèves faibles en lecture a augmenté. Certes, pour ce qui est de la lecture, la Suisse ne se situe pas très loin de lamoyenne de l’OCDE. Mais des pays européens comme la Finlande, la Suède, l’Allemagne, la France ou la Belgique obtiennent de nettement meilleurs résultats que la Suisse. Aujourd’hui, on regarde des films pour se détendre Pourquoi, en Suisse, les compétences en lecture et le plai- sir de lire ont baissé chez les jeunes tandis que la part d’élèves faibles en lecture a augmenté? Dagmar Rösler est présidente de l’Association faîtière des enseignant-e-s de Suisse (LCH): à ce poste, elle est tous les jours confrontée à des questions concernant la forma- tion. Les résultats de l’étude PISA correspondent à ce qu’elle vit comme enseignante: «À l’école, je constate également que les élèves lisentmoins. Lesmédias numériques concur- rencent les livres. Pour se détendre, on préfère regarder des films que lire des livres.» Les résultats de l’étude PISA corroborent cette affirma- tion: 50 jeunes Suisses sur 100 ont révélé, dans le cadre de l’étude, n’avoir aucun plaisir à lire. En 2000, ils n’étaient en- core que 30 sur 100. Or, dans la lecture, plaisir et compé- tences sont étroitement reliés, selon l’étude. Doit-on ainsi davantage encourager le plaisir de lire à l’école? «Nous fai- sons déjà beaucoup dans ce sens. Les enseignants sont conscients que la lecture est très importante», indiqueDag- mar Rösler. Et de compléter: «L’école est probablement le Dagmar Rösler pense qu’il faut investir dans les compé- tences de lecture à la maison, au sein du cercle familial. Photo DR 50 jeunes Suisses sur 100 avouent n’avoir aucun plaisir à lire. Ce n’est pas le cas de cette jeune fille. Photo Keystone

RkJQdWJsaXNoZXIy MjYwNzMx