Revue Suisse 5/2020

Revue Suisse / Septembre 2020 / N°5 3 Il est vrai qu’on a de la peine à le reconnaître, le mon- sieur coulé dans le bronze qui fait la une de ce dernier numéro de la «Revue». Il reçoit ici une bonne douche, nettoyé qu’il est par un jet à haute pression. Pourquoi? Parce que des manifestants ont barbouillé sa statue de peinture rouge sang à Neuchâtel. Mais ce nettoyage ne suffira jamais à laver totalement la réputation de DavidDe Pury (1709–1786), puisque c’est de lui dont il s’agit. Certes, ce Suisse de l’étranger aux affaires florissantes a légué à sa ville d’origine, Neuchâtel donc, une fortune colossale. Côté finances, ceDavid était un Goliath. D’où la statue. Mais depuis que le grand public sait qu’il a gagné une partie de sa fortune avec la traite des esclaves, ses sentiments à son égard se sont nettement refroidis. D’où le barbouillage. David De Pury incarne ce type d’entrepreneurs grâce auxquels la Suisse est devenue, à certains moments, une «puissance coloniale sans colonies». Cela n’est pas nouveau. Mais lemouvement «Black LivesMatter», qui a essaimé dans le monde entier, a remis un coup de projecteur, en Suisse aussi, sur ce chapitre de l’histoire (p. 20). N’est-ce pas énervant, cette manière de gratter une fois encore le vernis de la Suisse? Non, c’est salutaire: une société capable de reconnaître ses er- reurs passées sans s’écrouler est une société solide. Un exemple: si la Suisse d’aujourd’hui mise tant – et souvent avec succès – sur l’équilibre et le com- promis, c’est aussi grâce au souvenir bien géré de ses faux pas d’hier. Les figures comme celle de David De Pury nous font aussi de plus en plus prendre conscience de ce que l’historien Bernhard C. Schär résume en une phrase: «L’histoire de la Suisse ne se déroule pas, et ne s’est jamais déroulée, uniquement en Suisse et en Europe». La «Cinquième Suisse» devrait parfaite- ment bien saisir à quoi l’historien fait allusion: la Suisse est partout. Souvent pour le meilleur. Mais aussi parfois pour le pire. «La Suisse est partout»: cette formule est on ne peut plus actuelle, comme le montre l’«initiative pour des multinationales responsables» sur laquelle nous devrons nous prononcer le 29 novembre 2020 (p. 13). Dans cette vota- tion, la question centrale est la suivante: les multinationales suisses doivent- elles répondre des dommages qu’elles causent aux êtres humains et à l’envi- ronnement dans d’autres parties du monde? En réalité, cette question n’est pas très différente de celle de savoir si Da- vid De Pury a bâti sa fortune avec des moyens dignes. Mais contrairement à ce qu’il se passait à son époque, les multinationales d’aujourd’hui agissent sous le regard aiguisé de la société civile. MARC LETTAU, RÉDACTEUR EN CHEF Éditorial 4 Courrier des lecteurs 6 En profondeur La nouvelle génération de réseau mobile 5G enflamme le débat 10 Reportage Visite d’été à La Brévine, village le plus froid de Suisse 13 Politique Les multinationales doivent-elles répondre des dommages qu’elles causent à l’étranger? 16 Littérature Charles-Albert Cingria, le poète suisse qui aimait le vélo Actualités de votre région 17 Culture Streamer au lieu d’aller au ciné: les films suisses deviennent plus accessibles à l’étranger 20 Société La Suisse en froid avec ses héros colonialistes 23 Sport La coureuse de haies Léa Sprunger réécrit l’histoire du sport 24 La Suisse en chiffres 25 Informations de l’OSE 27 news.admin.ch 30 Lu pour vous / Écouté pour vous 31 Sélection / Nouvelles Sommaire Ce David était un Goliath Photo de couverture: la statue du marchand d’esclaves neuchâtelois David De Pury est nettoyée après avoir été barbouillée de peinture. Photo Keystone La «Revue Suisse», magazine d’information de la «Cinquième Suisse», est éditée par l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE)

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