Revue Suisse 1/2021
Revue Suisse / Février 2021 / N°1 5 s’agit pas d’un retard par étourderie, ni d’un raté dans le moteur de la modernité.» La culture suisse «des alliancesmasculines», influencée par les mythes de fondation de la Confédération, a égale- ment une part de responsabilité, ajoute le politologueWer- ner Seitz. Il y avait aussi, dans toutes les couches sociales, l’idée d’une hiérarchie des sexes bien ancrée. La juriste Emilie Kempin-Spyri en fit déjà les frais en 1887. Ne dispo- sant pas du droit de citoyenneté active parce qu’elle est une femme, elle ne pouvait exercer lemétier de juge. Elle saisit le Tribunal fédéral qui la débouta. Les juges trouvèrent son Un demi-siècle plus tard: Hanna Sahlfeld entourée du public au Palais fédéral, à l’occasion d’un événe- ment intitulé «Mé- tiers: les femmes peuvent tout faire». Archive Keystone, 2019 possèdent pas la nationalité suisse puisque leur père est étranger. Lors de sonmariage, Hanna Sahlfeld a elle-même dû faire une demande pour rester suisse. Cette discrimi- nation à l’encontre des femmes, qui touche de nombreuses familles binationales, n’est levée qu’en 1978. «Par la suite, de nombreuses Suissesses de l’étranger ont pu faire rena- turaliser leurs enfants», note Hanna Sahlfeld. «Aussi téméraire qu’inédite» En matière de droits politiques des femmes, la Suisse fai- sait partie des mauvais élèves de l’Europe, comme le Por- tugal et le Liechtenstein. L’Allemagne, par exemple, a in- troduit le suffrage féminin en 1918 et la France en 1944, soit après les deux guerres mondiales et leurs boulever- sements. Rien de tel ne s’est produit en Suisse. Et le suf- frage féminin a dû franchir l’obstacle d’une votation fé- dérale. Mais cela n’explique pas entièrement pourquoi l’une des plus anciennes démocraties d’Europe avait pris tant de retard. Dans son livre paru en 2020, «Jeder Frau ihre Stimme», l’historienne Caroline Arni conclut que pri- ver les femmes de droits politiques a été, en Suisse, une décision prise et confirmée de manière réitérée: «Il ne Hanna Sahlfeld lors de son premier jour au Conseil national, se- condée par le conseil- ler d’État PS Matthias Eggenberger, fumant, et le conseiller national PS Rolf Weber. Archive Keystone, 1971
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