Revue Suisse 4/2021

Revue Suisse / Août 2021 / N°4 27 vert le mariage aux couples de même sexe, à commencer par les Pays-Bas en 2001. Un long chemin au Parlement En Suisse, le sujet a été mis pour la première fois sur la table politique il y a plus de 20 ans.Mais ce n’est qu’en2020que les deuxChambresduParlement se sontdéclarées clairement en faveurdu«mariagepour tous». Ce «jalon important», «progrès incroyable» pour les partisans duprojet, est notamment dû à la nouvelle composition du Parlement, où les forces sociale- ment libérales ont fortement progressé auxélectionsde2019. La Suisse a de la peine avec les réformes sociétales, sou- ligne Kathrin Bertschy: «Aussi bien faite que notre démo- cratie puisse paraître, puisqu’elle protège des décisions hâ- tives, elle peine à intégrer les changements sociétaux à temps dans la loi.» Pour certains cercles conservateurs, la décision du Par- lement va trop loin. Ils ont réuni plus de 60000 signatures afin que le peuple ait le dernier mot. Leurs arguments font parfois appel à la religion: la Bible, d’après eux, n’envisage le mariage que pour le couple hétérosexuel. Celui-ci constitue l’union naturelle, celle dont naissent les enfants. L’élément qui gêne le plus ces opposants au projet est l’accès au don de sperme. Les enfants nés de cettemanière sont délibérément privés de père, critiquent-ils. Le bien de l’enfant en souffre. De plus, il est selon eux à craindre que d’autres revendica- tions soient formulées demain, comme le dond’ovocytes ou la gestationpour autrui. «Cela va simplement beaucoup trop loin», déclare la présidente du PEV, Marianne Streiff. Le comité du «oui» défend des vues opposées. Il ne s’agit pas ici de la «tactique du salami», disent-ils. L’objectif est l’égalité des droits, garantie à chacun par la Constitution, indépendamment de sonmode de vie. Les partisans du pro- jet soulignent que les enfants peuvent connaître l’identité du donneur de sperme dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. Le don d’ovocytes et la gestation pour autrui ne font pas partie du projet: ils restent interdits en Suisse. «Un idéal qui n’existe plus» Les nouvelles formes familiales font depuis longtemps par- tie du quotidien, relève Yv E. Nay, de la Haute école spécia- lisée de Zurich (ZHAW). Toutes les étudesmontrent que ce n’est pas l’orientation sexuelle des parents, mais la qualité de la relation et l’atmosphère régnant au sein de la famille qui sont décisives pour le bien-être des enfants. Yv E. Nay souligne que dans le débat politique sur les droits des per- sonnes LGBTQ, on a recours à des images traditionnelles qui ressemblent peu à la réalité des familles arc-en-ciel. «On se réfère encore et toujours à un idéal qui n’existe plus, ou qui n’a pas existé longtemps.» Avec le «mariage pour tous», les couples lesbiens fondant une famille se verraient octroyer dès la naissance de leur enfant des droits de parents. Aujourd’hui, seule lamère bio- logique est reconnue comme telle. Si sa partenaire peut de- mander l’adoption de ses enfants, elle ne peut le faire au plus tôt qu’un an après la naissance. Dans les faits, la pro- cédure prend souvent plusieurs années. «Pendant ce temps, les enfants concernés sont insuffisamment assurés», note Maria von Känel. Le nouveau projet de loi garantit l’égalité des droits et supprime une grande partie de la souffrance des personnes concernées. Il confère aux homosexuels de nombreux autres droits fondamentaux qui ne sont pas cou- verts par le partenariat enregistré: «C’est la raison pour la- quelle le mariage pour tous est indispensable.» Une acceptation croissante Le projet de «mariage pour tous» a de bonnes chances d’obte- nir un «oui» clair dans les urnes. L’«enquête sur les familles et les générations» publiéepar laConfédérationen2018prouve que les différentes constellations familiales sont demieuxen mieux acceptées par la société: 58% des femmes et 43% des hommes pensent qu’un enfant élevé par un couple homo- sexuel peut être heureux. Plus de lamoitié des personnes in- terrogées (65% des femmes et 53% des hommes) sont d’avis que les coupleshomosexuelsdevraient avoir lesmêmesdroits que les hétérosexuels. Un sondage mené par l’institut de re- cherche GFS sur mandat de l’organisation gay Pink Cross ré- vèle également une large tolérance. 63% des participants au sondage se sont déclarés «favorables» au mariage pour tous, et 18%«plutôt favorables». «Lamajoritéde lapopulationsuisse souhaite l’égalité»: Maria von Känel en est convaincue. L’abréviation LGBTQ utilisée dans ce texte désigne les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et queer, c’est-à-dire se revendiquant d’un genre non binaire. L’«initiative 99%» Les revenus du capital doivent-ils être davantage imposés? C’est la question que soulève l’«initiative 99%», lancée par les Jeunes socialistes et sur laquelle le peuple devra également se prononcer le 26 septembre. Officiellement nom- mée «Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital», cette initiative prévoit que les revenus du capital – comme les intérêts, les recettes locatives ou les dividendes – soient imposés une fois et demie de plus que ceux du travail. Le législateur fixerait toutefois un montant exonéré de l’impôt chaque année: les initiants pensent à une somme de 100 000 francs. Les recettes fiscales supplémentaires seraient utilisées pour alléger les charges des personnes à faible revenu; certaines prestations sociales, comme le secteur de la formation et de la santé, en profiteraient aussi. (ERU) Yv E. Nay relève qu’en matière d’image de la famille, «on se réfère encore et toujours à un idéal qui n’existe plus». Photo Keystone Kathrin Bertschy: «Les familles compor- tant deux mères existent, elles font par- tie de notre société.» Photo Keystone Maria von Känel: «La société a considé­ rablement évolué. La majorité de la popu- lation suisse souhaite l’égalité.» Photo Keystone Marianne Streiff craint que la gestation pour autrui ou le don d’ovocytes soient reven- diqués: «Cela va simplement beaucoup trop loin.» Photo Keystone

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