DENISE LACHAT L’AVS est une maison censée offrir une protection financière à tous les retraités. Presque tous les habitants de Suisse, les Suisses et les étrangers, ainsi que de nombreux Suisses de l’étranger, ont droit aux prestations de la prévoyance vieillesse étatique. La première pierre de cette maison a été posée en 1947. Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, le Parlement a conçu l’assurance-vieillesse et survivants (AVS), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1948. Auparavant, l’assistance aux personnes incapables de travailler ou âgées était presque une affaire de chance et dépendait des moyens ou de la bonne volonté des membres de leur famille, des organisations d’utilité publique et de l’Église. Dans la maison de l’AVS, d’autres travaux ont démarré peu après la pose de la première pierre. Depuis sa création, l’AVS a été révisée dix fois. Et, jusqu’à la fin du XXe siècle, on chantonnait souvent gaiement sur ce chantier, construisant, agrandissant et transformant selon les plans. Le dernier étage a été ajouté en 2001: l’âge de la retraite des femmes a alors été relevé de 62 à 63 ans et, à partir de 2005, fixé à 64 ans. Depuis cette date, le retrait anticipé de la rente est également possible, et les rentes ont été adaptées au renchérissement. Le problème du peuple Depuis, les ouvriers tournent en rond sur le chantier, l’envie de chanter leur est passée. C’est que les plans des architectes sont envoyés aux vieux papiers les uns après les autres, soit directement par le Parlement fédéral, au plus tard par le peuple dans les urnes. Que se passe-t-il dans la société et la politique pour que, depuis 20 ans, plus aucune véritable réforme de l’AVS n’aboutisse? Michael Hermann, politologue et responsable de l’institut de recherche Sotomo, connaît la réponse: la hausse de l’espérance de vie et la baisse du nombre de jeunes actifs cotisant à l’AVS obligent à des mesures d’économies. Or, faire accepter de telles mesures, ou une hausse de l’âge de la retraite, par le peuple, est parfois tout bonnement impossible. «L’AVS a ceci de particulier qu’elle concerne tout le monde, mais qu’elle est déterminée surtout par les tranches d’âge avancées. Les cinquantenaires ou soixantenaires sont directement concernés et se demandent pourquoi c’est à eux de faire des sacrifices», explique Michael La prévoyance vieillesse suisse est un chantier permanent Une fois de plus, l’avenir de la prévoyance vieillesse se trouve à un tournant décisif. À l’automne, le peuple votera sur une nouvelle réforme de l’AVS. Mais déjà, deux initiatives populaires totalement opposées exigent de nouvelles mesures pour les rentes des retraités. En résumé, l’AVS est un chantier permanent. Hermann. Vu que même dans d’autres votations, la participation des personnes âgées est plus importante que celle des jeunes, elle a encore plus de poids sur les questions qui touchent à l’AVS. Le blocage des réformes de l’AVS est donc dû, d’après le politologue, au système politique de la Suisse. Michael Hermann renvoie aux pays scandinaves, dont la politique est d’orientation sociale-démocrate, mais sans démocratie directe. Presque partout en Scandinavie, l’âge de la retraite est fixé à 67 ans, ou le sera ces prochaines années, et il n’est pas rare qu’il soit directement lié à l’espérance de vie. Matthias Müller, président des Jeunes Libéraux-Radicaux (JLR) de Suisse, a lui aussi les yeux tournés vers la Scandinavie. Le jass est un jeu de cartes très populaire en Suisse, apprécié surtout des personnes âgées. Elles pourraient aussi tirer les cartes pour chercher à connaître l’avenir de l’AVS. Photo Keystone Revue Suisse / Août 2022 / N°4 13 Société
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