Nouvelles du Palais fédéral INTERVIEW: MARC LETTAU Les Suisses vivant à l’étranger aiment se considérer comme des ambassadeurs de la Suisse. En tant qu’ambassadeur, cette perception vous paraît-elle juste? Ce qui est sûr, c’est que les Suisses qui vivent à l’étranger sont une carte de visite pour la Suisse. Mais il n’est pas interdit de questionner un peu cette perception largement répandue dans la «Cinquième Suisse». Dans quel sens? L’ensemble des Suisses suscitent des impressions positives et négatives à l’étranger. Tous sont donc coresponsables de la manière dont la Suisse est perçue. Cela ne s’applique cependant pas qu’à ceux qui vivent à l’étranger, mais aussi aux nombreux Suisses qui voyagent. Sont-ils tous pour autant des ambassadeurs? C’est une autre question. Disons-le comme cela: chaque Suisse à l’étranger a du moins le potentiel de l’être. Près de 800 000 Suisses vivent à l’étranger. La Suisse, et plus précisément la Direction consulaire – que vous dirigez – est-elle encore en mesure de s’occuper des cas isolés et des demandes individuelles? Les Suisses qui vivent à l’étranger connaissent généralement bien le fonctionnement de leur pays de résidence et se débrouillent très bien tous seuls. Pour ces citoyens-là, nos représentations sont une sorte de communauté. Nous recevons davantage de requêtes de Suisses qui voyagent à l’étranger et qui ont besoin d’aide et de protection consulaire. Certains de ces cas sont complexes et mobilisent d’énormes ressources. Comme le cas de la Suissesse Natallia Hersche, emprisonnée en 2020 en Biélorussie? La Suisse n’a pas ménagé ses efforts pour sa libération – c’est du moins l’impression qu’on a de l’extérieur. C’était effectivement un cas ultra-complexe, «Notre travail est axé sur les individus et leurs destins» Qui se charge des préoccupations urgentes de la «Cinquième Suisse»? Qui aide les voyageurs suisses en cas d’urgence à l’étranger? Ces deux tâches sont du ressort de la Direction consulaire (DC) au Département des affaires étrangères. Son directeur, l’ambassadeur Johannes Matyassy, parle du défi que représente le fait de répondre sans cesse à des questions nouvelles et très complexes. Né à Berne, le diplomate Johannes Matyassy dirige depuis 2018 la Direction consulaire au sein du DFAE. Auparavant, il a notamment été ambassadeur de Suisse en Argentine, puis chef de la division Asie et Pacifique au DFAE. Les activités de la Suisse à l’étranger ont également été centrales pour Johannes Matyassy lorsqu’il était CEO de «Présence Suisse», la plate-forme officielle de la Suisse à l’étranger. Il prendra sa retraite au début de l’année 2023. Photos Danielle Liniger rer cette action à d’autres cas très délicats. Lorsqu’il s’agit de rapatrier des enfants ou des adolescents kidnappés depuis un camp de djihadistes, la tension est souvent maximale pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. La Suisse aide ses citoyens en cas d’urgence à l’étranger. Mais qu’en est-il des familles binationales, dont le père est suisse, la mère étrangère et les enfants doubles-nationaux? C’est une question très importante, que nous nous sommes posée aussi lors du rapatriement lié au coronavirus. Nous avons alors pris une décision pragmatique: dans ce genre de cas, on ne peut tout de même pas séparer les familles simplement parce que la mère est, par exemple, brésilienne. Nous avons décidé que les familles pourraient revenir en Suisse au grand complet. La Suisse s’engage pour les intérêts des Suisses de l’étranger. Mais cela n’est pas toujours une réussite: vous connaissez les plaintes de ceux qui voudraient voter en extrêmement médiatisé et politiquement explosif. Natallia Hersche est une double-nationale suisso-biélorusse. Il a d’abord fallu convaincre les autorités biélorusses de le voir aussi ainsi. Ensuite seulement, nous avons pu procurer de l’aide à Natallia Hersche. Notre ambassadeur à Minsk lui a rendu visite de nombreuses fois en prison. Et d’intenses négociations ont eu lieu entre la Suisse et la Biélorussie sur le plan politique. À la fin, nous pouvons dire que nous avons tout mis en œuvre, sans avoir conclu aucun «deal» avec le régime de Minsk. Contrairement à ce cas isolé, pendant la pandémie de coronavirus, 4200 personnes ont été rapatriées en Suisse au moyen de 35 vols. Il s’agit là de la plus grande action de rapatriement de l’histoire suisse! Là aussi, nous avons d’abord fait appel à la responsabilité de chacun. Bon nombre de personnes ont en effet réussi à organiser elles-mêmes leur retour. Mais nous avons rapidement constaté que ce n’était pas le cas de tout le monde. Cependant, on ne peut pas compa24
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