Revue Suisse 5/2022

Après une pause de réflexion, le Conseil fédéral a décidé en février 2022 de réempoigner le dossier européen. Le gouvernement ne mise plus sur un accord-cadre «indigeste», mais sur un paquet contenant divers éléments. L’objectif est d’assurer l’accès au marché intérieur européen, d’ouvrir la voie à de nouveaux accords – notamment sur l’électricité – et de renouer avec des programmes de l’UE comme Horizon Europe. Les questions institutionnelles – par exemple, quelle instance tranchera les litiges – seraient réglées séparément. Le problème est que jusqu’ici, la Commission européenne n’a rien voulu savoir d’un projet qui traite ces questions fondamentales «au cas par cas». Elle tient aussi au fait que la Cour de justice de l’UE soit impliquée en cas de litige, ce qui suscite beaucoup de résistances politiques en Suisse. Le Conseil fédéral espère néanmoins que Bruxelles prenne progressivement conscience que la poursuite de la voie bilatérale est aussi dans l’intérêt des pays européens voisins. Depuis le printemps, c’est Livia Leu, secrétaire d’État en charge du dossier, qui tâte le terrain à Bruxelles. À la clôture de la rédaction, plusieurs rencontres avaient eu lieu entre les négociateurs. Toutefois, il pourrait encore s’écouler un certain temps avant que de nouveaux pourparlers soient menés au plus haut niveau politique. Le Conseil fédéral ne veut en effet décider d’un mandat de négociation que lorsque «les conditions seront réunies». Pour l’heure, notait-il à la mi-juin, les positions demeurent «très distantes les unes des autres». Le dégel ne semble pas encore en vue. transfert de technologies, qui débouche sur la fondation de start-up et de PME et sur la création d’emplois dans la recherche et les entreprises. En dernier ressort – les représentants des hautes écoles sont unanimes à ce sujet –, Horizon Europe est crucial pour la place économique et la prospérité de la Suisse. Yves Flückiger juge que le Conseil fédéral ne devrait pas se concentrer maintenant sur de nouveaux partenariats de recherche hors de l’UE: la compétition, en matière de recherche, se joue entre l’UE, les États-Unis et la Chine. Par conséquent, la non-association de la Suisse reste selon lui le véritable problème. Interrogée sur cette question, la délégation européenne déclare que les chercheurs suisses ont toujours été des partenaires bienvenus et appréciés dans les programmes de recherche de l’UE. Et qu’ils le restent: «Les chercheurs suisses sont autorisés à participer aux projets d’Horizon Europe aux conditions qui s’appliquent aux États tiers non associés. Pour une association à part entière, incluant notamment le droit de bénéficier de fonds européens, le règlement de l’UE exige que les États tiers concluent un accord-cadre qui fixe les conditions et les modalités de l’association. Les prochaines évolutions concernant cette question doivent être considérées dans le contexte des relations globales entre l’UE et la Suisse.» L’UE presse donc la Suisse de clarifier ses relations avec ses voisins européens. Jusque-là, elle ne voit aucune raison d’accorder des privilèges à la recherche suisse. Et ni les efforts de la diplomatie, ni l’appel lancé par les chercheurs n’ont jusqu’ici rien changé à cela. Le président du Conseil des EPF, Michael Hengartner, souligne que cette situation n’est pas seulement défavorable pour les chercheurs suisses, mais aussi pour la recherche européenne elle-même: «Tout le monde est incontestablement perdant.» À l’ombre des élections de 2023 Concernant la manière de traiter la question européenne, aucun consensus ne règne sur le plan politique intérieur non plus. Les partis politiques font assaut de stratégies et de plans d’action, tout en regrettant le manque d’avancées concrètes. Du point de vue du politologue Fabio Wasserfallen, professeur de politique européenne à l’Université de Berne, le fait que le Conseil fédéral ne prenne pas davantage le lead dans le débat témoigne d’un vide de gouvernance: «Malheureusement, il y a une déconnexion les politiques intérieure et étrangère.» Les réunir serait, d’après le politologue, la tâche du gouvernement national. «Le paquet doit jouir d’une bonne assise sur le plan politique intérieur pour avoir une chance d’aboutir en votation populaire.» À l’aide de modèles réalistes, le Conseil fédéral pourrait montrer comment il serait possible de préserver les intérêts suisses et d’amortir d’éventuelles concessions. «Pour ce faire, le gouvernement devrait adopter une ligne commune et la tenir à plus long terme.» Cependant, plus le temps passe, plus il est probable qu’on attende les élections fédérales de l’automne 2023, estime Fabio Wasserfallen. Car, selon les résultats des partis, les cartes seraient également rebattues pour ce qui est de la composition du Conseil fédéral. «Dans l’idéal, on pourrait toutefois discuter des avantages et des inconvénients du plan européen du gouvernement encore avant les élections.» Le bienfait de ceci serait que durant l’année électorale à venir, tous les acteurs concernés devraient abattre leurs cartes. THEODORA PETER La secrétaire d’État suisse Livia Leu tâte un terrain caillouteux à Bruxelles. Photo Keystone Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 7

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