Revue Suisse 5/2022

La recherche suisse se sent à l’étroit depuis sa mise à l’écart par l’Europe Le village des femmes et des hommes forts: Ebersecken, bastion du tir à la corde Le mazout n’a plus d’avenir, mais des chauffages au fioul sont encore installés OCTOBRE 2022 Revue Suisse La revue des Suisses·ses de l’étranger

©marcelo braga luzzi Les services consulaires partout, facilement accessibles depuis vos appareils mobiles Buenos Aires (2022) www.dfae.admin.ch SwissCommunity – Où la « Cinquième Suisse » se met en réseau Nos partenaires : Vous êtes un.e Suisse.sse de l’étranger et souhaitez échanger avec d’autres Suisses.ses de l’étranger ? Devenez membre de la plate-forme en ligne SwissCommunity pour la communauté internationale et partez à la découverte ! Installez l’application SwissCommunity sur votre smartphone ! Pour l’avenir de la Cinquième Suisse Grâce à un leg, permettez à lʼOrganisation des Suisses de lʼétranger de soutenir et représenter les droits des Suisses.ses de l’étranger. www.swisscommunity.link/legs

Le matin à l’aube, ouvrir grand les fenêtres pour faire pénétrer la fraîcheur de la nuit chez soi, puis les refermer et tirer les rideaux pour se protéger de la chaleur torride. Telle est l’une des habitudes prises par les Suisses durant cet été. Dans d’innombrables stations de mesure suisses, le mois de juillet 2022 a été le plus ensoleillé et le plus chaud depuis le début des relevés en 1886. En dépit de la canicule, l’ère glaciaire perdure entre la Suisse et l’Union européenne (UE). Et le dégel n’est pas encore en vue. Rappel des faits: en mai 2021, la Suisse a abandonné les négociations sur le futur accord-cadre qui devait régir les relations entre la Suisse et l’UE. Elle l’a fait en escomptant que cette démarche radicale donnerait un nouvel élan aux négociations. Manifestement, elle s’est trompée. Jusqu’ici, en Suisse, seules les conséquences négatives de cette rupture des négociations sont visibles. Ainsi, la Suisse a été dégradée au statut de pays tiers sans privilège dans la collaboration européenne en matière de recherche. Cela désavantage et affaiblit la recherche suisse, comme nous le montrons dans le dossier «En profondeur» de ce numéro (page 4). Ces nouveaux préjudices pèsent lourd dans la balance, car la Suisse considère la formation et la recherche comme l’une de ses principales «matières premières». Cela fait déjà un certain temps que l’on reproche au Conseil fédéral de n’avoir aucun plan sur la manière de réparer la relation avec l’UE. Lors de sa réunion du 19 août 2022 à Lugano, le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) a lui aussi estimé que le gouvernement national devait à présent agir de façon plus résolue. L’un des principaux soucis du CSE est le maintien de la libre circulation des personnes, dont dépendent les 440 000 Suisses vivants au sein de l’UE, et dont il craint la lente érosion. Les échanges entre Berne et Bruxelles ressemblent à un match de tir à la corde dans lequel l’une des équipes pense qu’il est avantageux de lâcher la corde un instant et qu’elle pourra la ressaisir à pleines mains plus tard. Probablement qu’on ne voit pas les choses ainsi dans le village lucernois d’Ebersecken, où se trouve le club de tir à la corde ayant remporté le plus de victoires en Suisse (page 12). Nous nous sommes rendus à Ebersecken, où les champions du tir à la corde nous ont montré que, dans un sport de force, ce qui compte, c’est aussi la ténacité et l’unité. MARC LETTAU, RÉDACTEUR EN CHEF 4 En profondeur Recherche suisse: risque d’isolement après des années d’étroite collaboration 9 Nouvelles Les défis du quotidien des Ukrainiens réfugiés en Suisse 10 Images L’artiste Youri Messen-Naschin joue habilement avec nos sens 12 Reportage En visite chez les femmes et les hommes forts d’Ebersecken (LU) 15 Coronavirus Dans son bilan de la pandémie, la Confédération se félicite Actualités de votre région 17 Chiffres suisses 18 Nature et environnement Les chauffages au fioul ont fait leur temps. Pourquoi en installer encore? 22 Science Les expats sous la loupe: leur lien avec la Suisse reste fort, même à distance 24 Nouvelles du Palais fédéral L’ambassadeur Johannes Matyassy dresse son bilan en interview 27 Infos de SwissCommunity 400 représentants de la «Cinquième Suisse» réunis à Lugano 31 Débat Le grand tir à la corde Photo de couverture: le chercheur Thomas Hott effectue des travaux de montage au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire à Genève. Image d’archive Keystone (2004). La «Revue Suisse», magazine d’information de la «Cinquième Suisse», est éditée par l’Organisation des Suisses de l’étranger. Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 3 Éditorial Sommaire

DENISE LACHAT «Nous sommes un petit pays, qui s’est toujours appuyé sur le recrutement de chercheurs étrangers», indique Michael Hengartner, président du Conseil des EPF. C’est pourquoi, dit-il, toutes les hautes écoles suisses baignent dans une atmosphère internationale, qui est favorable à l’intégration des personnes venues de l’étranger. Un écosystème pour la recherche de pointe Le savoir et la formation font partie des principales ressources de la Suisse. Cela se reflète dans un système de formation performant, une infrastructure de premier ordre et des hautes écoles qui arrivent régulièrement en tête des classements internationaux. Michael Hengartner Des chercheurs s’en vont, des professeurs hésitent à travailler dans les universités suisses, des étudiants suisses subissent des préjudices: le secteur suisse de la recherche vit une époque difficile. La raison? Le flou qui règne dans les relations entre la Suisse et l’UE. Dans la recherche européenne, la Suisse est devenue un «pays tiers» sans privilèges. parle d’un véritable «écosystème», qui stimule la recherche de pointe et dispose d’un système de financement solide, flexible et concurrentiel à la fois. «Naturellement, nous sommes également en mesure d’offrir de très bonnes conditions de travail», complète Martin Vetterli, président de l’EPFL. Ainsi, la densité de scientifiques renommés en Suisse est bien supérieure à la moyenne, ce qui permet d’attirer des jeunes talents dans notre pays, note Martin Vetterli. Ou devrait-on plutôt dire «permettait»? La Suisse perd l’accès à la «ligue des champions» L’abandon des négociations avec l’UE sur un accord-cadre est lourd de conséquences pour la recherche. Dans son programme-cadre de recherche, l’UE a dégradé la Suisse Recherche de pointe européenne en Suisse: deux spécialistes de la recherche sur les semi-conducteurs à l’EPFL à Lausanne. Photo Keystone La peur de l’isolement de la recherche suisse Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 4 En profondeur

5 au rang de «pays tiers non associé». Dans le cadre d’Horizon Europe, la Suisse perd ainsi la position qu’elle occupait et l’influence qu’elle avait jusqu’ici. Or, Horizon Europe est le plus grand programme au monde pour la recherche et l’innovation, avec un budget de près de 100 milliards d’euros pour une période de sept ans (2021-2027). Sa dotation financière a encore nettement augmenté par comparaison aux 79 milliards d’euros du programme précédent, Horizon 2020, au sein duquel la Suisse était encore partenaire associée. Certes, la Suisse n’est pas totalement exclue de la collaboration avec son principal partenaire de recherche. Toutefois, les chercheurs suisses ne peuvent plus diriger de grands projets de coopération et ne reçoivent plus de subventions du Conseil européen de la recherche (ERC). Michael Hengartner décrit ces bourses de l’ERC comme la «ligue des champions de la recherche». Le président de l’EPFL, Martin Vetterli, les connaît bien: «Sans la subvention de l’ERC, qui s’élevait à près de deux millions d’euros sur cinq ans, je n’aurais pas pu mener aussi loin que je l’ai fait ma recherche sur le traitement numérique des signaux». Yves Flückiger, président des universités suisses Des phares suisses dans la recherche européenne Quels résultats concrets les programmes-cadres de recherche européens ont-ils apporté, et quels avantages la Suisse tire-t-elle de la collaboration? Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève et président de swissuniversities, répond sans hésitation. ■ CERN: ce laboratoire de recherche n’est rien de moins que le berceau de la recherche européenne. Fondé en 1954 sur la frontière franco-suisse près de Genève, il a été l’un des premiers projets européens communs et compte aujourd’hui 23 États membres. En 1984, cet espace scientifique a été renforcé par les programmes-cadres de recherche européens. Yves Flückiger: «Ces programmes ont joué un rôle décisif dans l’évolution de la recherche fondamentale et son application industrielle, en encourageant notamment la collaboration entre les laboratoires et les entreprises». Depuis 2012 et la découverte du boson de Higgs, le Cern est connu dans le monde entier. ■ BioNtech: le résultat récent sans doute le plus connu du transfert de recherche est le premier vaccin à ARN messager contre le Covid-19. Il constitue l’aboutissement direct d’une recherche financée depuis près de 20 ans par l’ERC. «Ce vaccin a été mis au point par l’entreprise de biotechnologie BioNtech, une entreprise européenne dont les fondateurs Ugur Sahin et Özlem Türeci, un couple d’origine turque installé en Allemagne, ont été financés par l’ERC», relate Yves Flückiger. ■ ID Quantique: fondée en 2001 à Genève par quatre scientifiques de l’Université de Genève, ID Quantique est un autre exemple cité par Yves Flückiger. L’entreprise a reçu des moyens financiers importants du Fonds national suisse (FNS), mais aussi de divers programmes européens. Petit spin-off à l’origine, elle est devenue le leader mondial des solutions pour une cryptographie quantique sûre. Le géant des télécommunications SK Telecom (Corée du Sud) et Deutsche Telekom font partie des investisseurs. ID Quantique a son siège à Genève et entretient des liens étroits avec des institutions académiques par sa participation à plusieurs programmes R&D suisses, européens et coréens, de manière à apporter des innovations sur le marché. (DLA) Le laboratoire de recherche du CERN, près de Genève, possède une installation géante pour l’étude des particules. Photo Keystone Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5

(swissuniversities), ajoute que les chercheurs suisses sont entièrement exclus de plusieurs domaines de recherche importants. Il mentionne l’initiative phare sur les technologies quantiques, qui a une importance stratégique pour le développement de la numérisation, la construction du réacteur à fusion nucléaire international ITER, un projet que la Suisse copilotait depuis 2007, et le programme pour une Europe numérique (Digital Europe), axé sur le calcul de haute performance, l’intelligence artificielle et la cybersécurité. L’érosion a déjà commencé D’après Martin Vetterli, la Suisse faisait jusqu’ici partie des pays associés les plus actifs de la recherche européenne, essentiellement dans les domaines de la santé, de l’environnement, du climat et de la technologie quantique. Depuis plus d’un an, elle est mise hors jeu malgré les efforts financiers de la Confédération, qui est intervenue par un financement transitoire s’élevant à 1,2 milliard de francs. Martin Vetterli relate l’histoire de start-up qui ont été créées sur le campus de l’EPFL et qui ouvrent à préquestion: la Suisse a-t-elle des chances de se voir réassociée bientôt aux programmes de l’UE? Il y va de la prospérité de la Suisse Travailler dans son coin? Dans le monde de la recherche, c’est impensable. Tout comme dans celui de l’innovation: en réaction à la non association de la Suisse, la célèbre entreprise genevoise ID Quantique (voir encadré, p. 5) a ouvert une filiale à Vienne pour conserver son accès à Horizon Europe. Yves Flückiger note que la centaine d’emplois qui auraient été créés en Suisse se trouvent à présent à Vienne. Pour la Suisse, l’enjeu d’Horizon Europe n’est pas seulement la recherche et les chercheurs, qui craignent pour leurs positions de pointe. C’est aussi les étudiants et les professeurs, qui hésitent désormais à venir en Suisse. Horizon Europe permet également le sent des bureaux en Europe pour s’assurer qu’elles pourront continuer d’attirer des talents et de profiter des fonds européens. Yves Flückiger connaît de premiers chercheurs qui ont quitté la Suisse pour la France, l’Autriche et la Belgique avec leurs bourses de l’ERC. Et Michael Hengartner constate que les candidats aux postes de professeurs dans les deux EPF posent désormais tous la même Dans le domaine de la recherche, la Suisse possède des liens internationaux plus forts que tout autre pays: deux tiers des chercheurs travaillant en Suisse ont effectué leur doctorat à l’étranger. La crise relationnelle entre la Suisse et l’UE perdure Près d’un an après l’abandon des négociations sur un accord-cadre, la Suisse effectue une nouvelle tentative pour régler ses futures relations avec l’UE. Mais le chemin qui mène à une solution viable entre Berne et Bruxelles est encore long, et empreint de défiance des deux côtés. Sur le plan de la politique intérieure aussi, aucun consensus n’est en vue. Une sorte de «ligue des champions»: avec son budget de 100 milliards pour la période 2021-2027, Horizon Europe est le plus grand programme de recherche au monde. Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 6 En profondeur

Après une pause de réflexion, le Conseil fédéral a décidé en février 2022 de réempoigner le dossier européen. Le gouvernement ne mise plus sur un accord-cadre «indigeste», mais sur un paquet contenant divers éléments. L’objectif est d’assurer l’accès au marché intérieur européen, d’ouvrir la voie à de nouveaux accords – notamment sur l’électricité – et de renouer avec des programmes de l’UE comme Horizon Europe. Les questions institutionnelles – par exemple, quelle instance tranchera les litiges – seraient réglées séparément. Le problème est que jusqu’ici, la Commission européenne n’a rien voulu savoir d’un projet qui traite ces questions fondamentales «au cas par cas». Elle tient aussi au fait que la Cour de justice de l’UE soit impliquée en cas de litige, ce qui suscite beaucoup de résistances politiques en Suisse. Le Conseil fédéral espère néanmoins que Bruxelles prenne progressivement conscience que la poursuite de la voie bilatérale est aussi dans l’intérêt des pays européens voisins. Depuis le printemps, c’est Livia Leu, secrétaire d’État en charge du dossier, qui tâte le terrain à Bruxelles. À la clôture de la rédaction, plusieurs rencontres avaient eu lieu entre les négociateurs. Toutefois, il pourrait encore s’écouler un certain temps avant que de nouveaux pourparlers soient menés au plus haut niveau politique. Le Conseil fédéral ne veut en effet décider d’un mandat de négociation que lorsque «les conditions seront réunies». Pour l’heure, notait-il à la mi-juin, les positions demeurent «très distantes les unes des autres». Le dégel ne semble pas encore en vue. transfert de technologies, qui débouche sur la fondation de start-up et de PME et sur la création d’emplois dans la recherche et les entreprises. En dernier ressort – les représentants des hautes écoles sont unanimes à ce sujet –, Horizon Europe est crucial pour la place économique et la prospérité de la Suisse. Yves Flückiger juge que le Conseil fédéral ne devrait pas se concentrer maintenant sur de nouveaux partenariats de recherche hors de l’UE: la compétition, en matière de recherche, se joue entre l’UE, les États-Unis et la Chine. Par conséquent, la non-association de la Suisse reste selon lui le véritable problème. Interrogée sur cette question, la délégation européenne déclare que les chercheurs suisses ont toujours été des partenaires bienvenus et appréciés dans les programmes de recherche de l’UE. Et qu’ils le restent: «Les chercheurs suisses sont autorisés à participer aux projets d’Horizon Europe aux conditions qui s’appliquent aux États tiers non associés. Pour une association à part entière, incluant notamment le droit de bénéficier de fonds européens, le règlement de l’UE exige que les États tiers concluent un accord-cadre qui fixe les conditions et les modalités de l’association. Les prochaines évolutions concernant cette question doivent être considérées dans le contexte des relations globales entre l’UE et la Suisse.» L’UE presse donc la Suisse de clarifier ses relations avec ses voisins européens. Jusque-là, elle ne voit aucune raison d’accorder des privilèges à la recherche suisse. Et ni les efforts de la diplomatie, ni l’appel lancé par les chercheurs n’ont jusqu’ici rien changé à cela. Le président du Conseil des EPF, Michael Hengartner, souligne que cette situation n’est pas seulement défavorable pour les chercheurs suisses, mais aussi pour la recherche européenne elle-même: «Tout le monde est incontestablement perdant.» À l’ombre des élections de 2023 Concernant la manière de traiter la question européenne, aucun consensus ne règne sur le plan politique intérieur non plus. Les partis politiques font assaut de stratégies et de plans d’action, tout en regrettant le manque d’avancées concrètes. Du point de vue du politologue Fabio Wasserfallen, professeur de politique européenne à l’Université de Berne, le fait que le Conseil fédéral ne prenne pas davantage le lead dans le débat témoigne d’un vide de gouvernance: «Malheureusement, il y a une déconnexion les politiques intérieure et étrangère.» Les réunir serait, d’après le politologue, la tâche du gouvernement national. «Le paquet doit jouir d’une bonne assise sur le plan politique intérieur pour avoir une chance d’aboutir en votation populaire.» À l’aide de modèles réalistes, le Conseil fédéral pourrait montrer comment il serait possible de préserver les intérêts suisses et d’amortir d’éventuelles concessions. «Pour ce faire, le gouvernement devrait adopter une ligne commune et la tenir à plus long terme.» Cependant, plus le temps passe, plus il est probable qu’on attende les élections fédérales de l’automne 2023, estime Fabio Wasserfallen. Car, selon les résultats des partis, les cartes seraient également rebattues pour ce qui est de la composition du Conseil fédéral. «Dans l’idéal, on pourrait toutefois discuter des avantages et des inconvénients du plan européen du gouvernement encore avant les élections.» Le bienfait de ceci serait que durant l’année électorale à venir, tous les acteurs concernés devraient abattre leurs cartes. THEODORA PETER La secrétaire d’État suisse Livia Leu tâte un terrain caillouteux à Bruxelles. Photo Keystone Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 7

Perte de 100 milliards pour la BNS La Banque nationale suisse (BNS) a enregistré une perte de près de 100 milliards de francs au premier semestre 2022. Il s’agit de la plus grande perte de toute l’histoire de la BNS, qui a plus de 100 ans. La cause de cette plongée prévue par les experts est avant tout la baisse du cours des actions et des titres porteurs d’intérêts. Cette perte record inquiète surtout les cantons et la Confédération, car une partie des gains de la BNS leur est toujours redistribuée. On ignore encore ce qu’il adviendra des versements espérés. (MUL) Âpre combat contre les F-35 L’armée suisse souhaite acheter de nouveaux avions de combat du type Lockheed Martin F-35 aux États-Unis pour six milliards de francs. Mais une initiative populaire signée par 103 000 personnes à la mi-août veut l’en empêcher. Elle estime que l’avion choisi par les autorités est inadapté et trop cher. Cette initiative place le Conseil fédéral face à un dilemme, car l’offre du gouvernement américain n’est valable que jusqu’à la fin mars 2023. Les délais d’usage en Suisse font qu’il ne sera guère possible de porter cette initiative devant le peuple jusque-là. Cependant, il serait problématique de ne pas la soumettre au vote du tout du point de vue de la politique démocratique. (MUL) Quatrième annulation d’affilée du Salon de l’auto Le Salon de l’auto de Genève n’aura pas lieu en 2023 non plus. Il est donc annulé pour la quatrième fois d’affilée déjà. Les premières annulations étaient dues à la pandémie de coronavirus. À présent, les organisateurs mettent en avant la situation économique mondiale et les incertitudes géopolitiques. Ce Salon de l’auto, a-t-il encore un avenir? C’est de moins en moins sûr. Il souffre également du fait que le changement climatique modifie le statut de la voiture, qui n’est plus perçue uniquement comme le symbole de la liberté individuelle. (MUL) Des poissons morts dans les rivières suisses En Suisse, les températures durablement caniculaires assèchent les rivières et réchauffent les lacs. La conséquence de cela est une mortalité de poissons d’«ampleur historique», comme l’a déclaré, inquiète, la Fédération suisse de pêche à la mi-août. Lorsque l’eau atteint plus de 25 °C, la vie de nombreux poissons indigènes en Suisse, comme la truite, est en danger. (MUL) Kambundji décroche l’or sur 200 mètres «La sprinteuse Mujinga Kambundji décroche les étoiles», titrait la «Revue Suisse» dans son numéro de juillet. Depuis, la Bernoise de 30 ans a connu une nouvelle heure de gloire: au mois d’août, elle a remporté l’or sur 200 mètres aux championnats d’Europe d’athlétisme à Munich. Auparavant, elle avait décroché de justesse la médaille d’argent sur 100 mètres. Dans une interview accordée à la «Neue Zürcher Zeitung», la sympathique sprinteuse a déclaré pouvoir mieux faire encore: «Je peux battre mon propre record.» (MUL) Louis Nusbaumer alias Ara Son nom de totem est Ara. Pourquoi ce surnom scout? Louis Nusbaumer ne s’en souvient plus. Il avait 7 ans quand il est devenu louveteau, explique cet étudiant en géographie et en sciences de l’environnement de 21 ans. Ara est chef des picos – âgés de 15 à 17 ans - au sein du groupe scout jurassien Saint-Michel, basé à Delémont. Comme des milliers d’autres scouts, il s’est investi dans le Mova, le Camp fédéral du Mouvement scout de Suisse qui s’est déroulé cet été dans la vallée de Conches (VS). Ara a rejoint le camp avant son ouverture avec des responsables picos jurassiens et bernois. La délégation a élevé une tour en rondins dans le camp. «La vue y était belle. Nous y avons lié quatre bâches, qui nous ont servi de toit», raconte-t-il. Les picos ont entre autres participé à la construction d’une cabane géante dans un arbre. Ils se sont baladés librement dans ce camp géant de 30’000 scouts. Une seule règle: rester ensemble et être joignable par téléphone. «Nous avons vécu ensemble deux semaines et cela a créé des liens très forts», se réjouit Ara, pour qui l’une des valeurs essentielles du scoutisme est l’acceptation de soi et des autres. Pourquoi un uniforme ? «Le scoutisme vient de l’armée, donc ça reste», commente le jeune homme, qui trouve la question légitime. Dans le langage scout, les uniformes permettent de distinguer les âges: chemise turquoise pour les louveteaux, beige pour les éclaireurs, rouge pour les picos, verte pour les responsables. Au groupe scout Saint-Michel, les responsables ont opté pour la couleur rouge, «pour rester proche des picos». Sera-t-il présent lors du prochain Mova, dans 14 ans ? «Pourquoi pas. Le mouvement a toujours besoin de bénévoles», conclut Louis Nusbaumer. STÉPHANE HERZOG Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 8 Sélection Nouvelles

THEODORA PETER Plus de six mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’horreur de cette guerre au cœur de l’Europe n’a pas encore pris fin. L’espoir conçu par de nombreux Ukrainiens d’un exil court loin de leur patrie s’est brisé. En Suisse, les personnes déplacées se préparent à un séjour prolongé. Celles qui avaient trouvé refuge dans le village bernois de Mittelhäusern (voir «Revue Suisse» 3/2022) sont elles aussi en train de réorganiser leur vie. Certaines d’entre elles ont pu quitter leur famille d’accueil pour s’installer dans des logements loués. La plupart des réfugiés se sont bien intégrés à la vie en Suisse: leurs enfants vont à l’école, la communication est de plus en plus facile. Toutefois, la langue reste un obstacle important lorsqu’il s’agit de trouver du travail. Sur les quelque 60 000 réfugiés ukrainiens que compte la Suisse, près de 33 000 sont en âge de travailler. Seuls 10 % d’entre eux avaient trouvé un emploi cet été. Cette faible proportion est également due au fait que 80 % des réfugiés en âge de travailler sont des femmes. Bon nombre d’entre elles ont des enfants en âge préscolaire, dont elles doivent s’occuper. D’après un sondage réalisé en juillet par l’institut de recherche Sotomo, plus de la moitié des entreprises interrogées se disent intéressées à embaucher des Ukrainiens. Mais elles souhaitent que l’État soutienne davantage les cours de langue, de sorte à aplanir les obstacles à une intégration sur le marché du travail. Les employeurs potentiels réclament aussi de la sécurité en matière de planification en ce qui concerne les permis de séjour et de travail des personnes concernées. Au printemps 2023, le statut de protection S, entré en vigueur pour un an, expirera. Baisser le chauffage et économiser de l’électricité La guerre en Ukraine entraîne des conséquences sur l’approvisionnement énergétique dans toute l’Europe: la Russie se sert de ses réserves comme moyen de pression et a fortement réduit ses livraisons de gaz à l’Ouest. De nombreux pays s’attendent à des pénuries l’hiver prochain, y compris la Suisse, où 20 % des foyers se chauffent au gaz. Le gaz joue également un rôle majeur dans la production d’électricité et l’exploitation des installations industrielles. À cela s’ajoute le fait que la Suisse dépend des importations d’électricité en hiver; or, l’énergie se fait rare partout. La Confédération et le secteur de l’énergie invitent pour l’heure à économiser: préférer les douches aux bains, baisser le chauffage, faire sécher son linge à l’air libre, débrancher les appareils en stand-by. Ces mesures volontaires permettraient de réduire la consommation d’énergie de 10 à 20 %. Des directives de l’État sur les températures des locaux dans les bâtiments officiels et l’extinction des éclairages publics sont également envisageables. Si cela ne suffit pas, les entreprises et les ménages pourraient être rationnés en gaz et en électricité. Dans le pire des cas, le Conseil fédéral compte sur des centrales de secours qui pourraient être alimentées, en cas d’urgence, par du pétrole au lieu du gaz. Les longues ombres de la guerre Pour les plus de 60 000 réfugiés ukrainiens que compte la Suisse, l’espoir d’un retour rapide dans leur pays dévasté par la guerre s’est envolé. Les conséquences de cette guerre sont également de plus en plus perceptibles pour la population suisse: une pénurie d’énergie menace l’hiver prochain. Le drapeau ukrainien dans le quotidien suisse: rares sont les écoles suisses qui n’ont pas accueilli d’enfants ukrainiens. Ici, l’école de Land- haus, à Herisau (AR). Photo Keystone Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 Politique 9

Observer les oeuvres de l’artiste suisse Youri Messen-Jaschin provoque un léger sentiment de déséquilibre, comme après une traversée en bateau. Il s’avère qu’une image à fort contraste visuel peut avoir un impact sur l’oreille interne, organe qui joue un rôle dans l’équilibre. Une image génère parfois des effets sur le système cognitif du spectateur, car le cerveau compare des éléments visuels déjà mémorisés avec ce qui lui est présenté, ce qui est susceptible d’entraîner des dissonances. L’art optique joue sur ces mécanismes. Ainsi vont les résonances entre art et neurologie dans «L’Op art rencontre les neurosciences», ouvrage signé par le peintre Youri Messen-Jaschin et le directeur du Laboratoire de recherche en neuro-imagerie de Lausanne, Bogdan Draganski. Les deux hommes ont observé l’activité cérébrale de volontaires à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique, tandis que des œuvres réalisées spécialement pour l’étude étaient projetées devant leurs yeux. «L’Op art, s’il a de tels effets sur le cerveau, pourrait peut-être contribuer à soulager certaines maladies, voire les guérir» écrit le photographe, peintre, et sculpteur. L’ouvrage mêle art pur et explications sur les ressorts des illusions optiques. Il se consulte comme un livre d’art et un essai. D’origine allemande et lettone, Youri Messen-Jaschin est né en 1941 à Arosa. Sa longue carrière l’a notamment vu passer par Paris, Göteborg, Hambourg, Caracas et Berne. Il vit à Lausanne. STEPHANE HERZOG Youri Messen-Jaschin, un artiste qui joue avec votre cerveau Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 10 Images «Apophenia», huile sur lin, 2021. L’impression change complètement si on pivote le tableau de 90 °. © Youri Messen-Jaschin

Youri Messen-Jaschin, Bogdan Draganski «L’Op art rencontre les neurosciences» Editions Favre , Novembre 2021, 175 pages, 34 CHF revue.link/youri Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 11 «Wormhole», 2018, gravure sur papier. © Youri Messen-Jaschin Du Youri MessenJaschin en petit format: «Red Ball», «Blue Red Black» et «Circle Red Blue» sur des timbres de la Poste suisse (2010).

Le retour très attendu de la fête du tir à la corde: cernée de tentes, la place de sport d’Ebersecken, dans la campagne lucernoise (photo de g.). Photos Danielle Liniger Détermination vigoureuse sous les chapeaux: l’équipe des hommes dans la catégorie 580 kg lors du tournoi à domicile (en haut). Un truc qui colle: pour mieux pouvoir saisir la corde, les athlètes enduisent leurs mains de résine (photo de dr.). «Un chouette sport d’équipe»: de jeunes tireurs à la corde avant et après un match (photos de g. et de dr.). 12 Reportage

SUSANNE WENGER Un samedi du début du mois de juillet à Ebersecken. Le soleil baigne les douces collines de l’arrière-pays lucernois, les cloches des vaches tintent, les papillons voltigent. Sur la place de sport près de l’école, on s’adonne cependant à une activité musclée malgré la chaleur, dans une ambiance bruyante et batailleuse. Plus de 20 équipes suisses de tir à la corde ont fait le déplacement pour prendre part, ce week-end, à un tournoi de championnat dans plusieurs catégories de poids et d’âge. L’organisateur est le club de tir à la corde d’Ebersecken, qui aligne lui-même cinq équipes et fait du tournoi une fête de trois jours au village. Enfin, une nouvelle fête de tir à la corde à Ebersecken, après deux ans de pandémie! «Nous sommes ravis», jubile Peter Joller, le coprésident du club. Arborant la tenue bleue de son équipe, l’homme de 32 ans trotte de-ci de-là. Malgré les restrictions, nos membres ne sont pas restés inactifs, souligne-t-il. Chez les moins de 19 ans, des équipes mixtes participent au tournoi, les catégories élite de 580 et 640 kg ne comptant cette fois que des hommes. Qui n’a encore jamais assisté à un tournoi de tir à la corde remarque vite que ce sport aux allures archaïques est extrêmement réglementé, avec des rôles et des processus fixes, contrôle du poids et des chaussures inclus. Les muscles et le mental Levez la corde! Tendez! Prêts! Tirez! Telles sont les directives par lesquelles l’arbitre lance le match. Le pied gauche enfoncé dans l’herbe, les mains enduites de résine agrippées à la corde de 33 mètres, les athlètes s’inclinent autant que possible, et la furieuse bataille pour se hisser en finale débute. L’objectif est de tirer l’équipe adverse de son propre côté. Ceux qui coincent la corde sous leur bras reçoivent un avertissement, et il est interdit de «ramer» et de s’asseoir. «Halte, halte, halte, en bas, en bas, en bas»: les coaches se pressent autour des équipes et leur donnent continuellement des instructions. En raison de la fatigue physique, il s’agit aussi d’avoir un mental d’acier, explique l’animateur Adrian Koller, lui aussi membre du club d’Ebersecken, via les haut-parleurs puissants. Une des équipes juniors d’Ebersecken démontre justement ce que cela signifie. Après deux avertissements, la défaite menace, mais l’équipe locale parvient tout de même à remporter de justesse le premier tour. Acclamations sur le terrain et dans le public. Le chapiteau de la fête se remplit, la buvette fait des affaires. Une ambition progressive Ebersecken est un village agricole qui ne compte plus que 400 âmes. Il y a deux ans, il a fusionné avec la commune voisine d’Altishofen, plus grande. Ebersecken ne pouvait plus assurer seul les tâches d’une commune. En échange, dit-on en ne plaisantant qu’à moitié, Altishofen a reçu gratuitement un titre de champion du Les femmes et les hommes forts d’Ebersecken Le tir à la corde, sport plutôt marginal, est loin de l’être dans une petite localité lucernoise: le club de tir à la corde d’Ebersecken a été, ces dix dernières années, le club suisse qui a remporté le plus de victoires. À la découverte d’une épreuve de force, qui requiert de l’esprit d’équipe et relie un village rural avec le reste du monde. monde du tir à la corde. Les habitants d’Ebersecken ont dit adieu à leurs anciennes armoiries communales, qui représentaient un sanglier, mais l’animal poilu continue de s’ébrouer sur le logo du club de tir à la corde. Et même au sein de la commune d’Altishofen, Ebersecken reste un bastion du tir à la corde. Depuis 2010, l’élite du club d’Ebersecken a remporté chaque année au moins un titre de champion suisse, et les plus forts de ses membres ont gagné trois médailles d’or en championnat dumonde dans le cadre de l’équipe nationale. Sur place, on apprend que ce succès repose sur la volonté, l’entraînement et la cohésion. Fondé en 1980 après des tournois festifs, le club Plus haut, plus grand, plus rapide, plus beau? À la recherche des records suisses qui sortent de l’ordinaire. Aujourd’hui: visite du bastion des plus forts tireurs à la corde du pays. La Suisse, pays de clubs Le club de tir à la corde d’Ebersecken est l’un des quelques 100 000 clubs que compte la Suisse. D’après l’Observatoire du bénévolat 2020, trois quarts des habitants de plus de 15 ans sont membres d’un club ou d’une organisation d’utilité publique, et plus de 60 % y ont une part active. Les clubs de sport sont les plus nombreux, suivis par les loisirs et la culture. Les clubs ont une grande importance historique en Suisse. Et malgré la mobilité et l’individualisme croissant, les experts ne notent aucun recul du nombre de clubs. Leur petite taille et leur caractère local ont de l’attrait dans un monde globalisé. Les clubs qui se modernisent sont ceux qui ont le plus de succès, notamment ceux qui se servent d’Internet ou permettent des engagements liés à des projets. (SWE) Carmen Rölli et Peter Joller, présidents bénévoles du club de tir à la corde d’Ebersecken. Tous deux pratiquent également ce sport. Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 13

juillet à Ebersecken, la place de sport se mue en véritable chaudron de sorcière. Sous des cris d’encouragement assourdissants, l’équipe junior remporte sa finale et s’adjuge ainsi un nouveau titre. Cette saison, l’équipe des hommes est un peu en deçà des attentes. «Mais nous reviendrons», assure le coprésident, détendu et rayonnant. Sous le chapiteau résonne une chanson du groupe Züri West. «Tout le monde trouve le bonheur un jour» dit le refrain. À Ebersecken, le bonheur tient à une corde bien tendue. www.szce.swiss/ www.tow2023.ch/ a progressivement développé des ambitions. Quelques membres se sont fixé pour objectif de faire du club une pointure sportive, raconte son coprésident: «C’est là-dessus que nous construisons aujourd’hui.» On s’y entraîne au moins deux fois par semaine, et presque quotidiennement durant la saison. Le club possède son propre terrain d’entraînement et une salle de musculation. Présent sur les réseaux sociaux Qu’y a-t-il de si beau dans le tir à la corde pour que des menuisiers, dessinateurs en bâtiment, ingénieurs et conducteurs de poids-lourds y investissent, à côté du travail, tant de temps et de ressources? «L’esprit d’équipe, répond Carmen Rölli, parvenir à quelque chose ensemble.» vestit justement dans la promotion de la jeunesse. «Nous proposons aux jeunes quelque chose de positif», note Peter Joller. Le club recrute jusque dans les communes avoisinantes et n’a aucun problème de relève actuellement. Est-ce aussi dû au fait qu’il ait su se mettre à la page en matière de communication? Le club est présent sur les réseaux sociaux et a de bonnes idées. Le calendrier du 35e anniversaire, dans lequel des tireurs à la corde posaient torse nu, s’est vendu en un temps record. Le club compte 110 membres, dont plus de la moitié ne tire pas à la corde, mais s’investit bénévolement dans les activités du club. Les CM 2023 en Suisse Pour Ebersecken, petite localité de Suisse centrale, le club de tir à la corde crée une identité. Il est important pour la vie du village et fait office de porte-drapeau. «Notre club fait connaître le nom d’Ebersecken dans le monde entier», s’enorgueillit sa coprésidente Carmen Rölli. Il a déjà participé à des tournois en Afrique du Sud, aux États-Unis, en Suède et en Espagne. Et, l’été prochain, des sportifs de 30 pays viendront en Suisse: la fédération internationale Tug of War a en effet retenu la candidature d’Ebersecken pour accueillir les championnats du monde de 2023. Ce sera le plus grand événement de l’histoire du club. Ida Glanzmann-Hunkeler, conseillère nationale lucernoise du Centre, préside le comité d’organisation. Elle a grandi à Ebersecken et s’avoue honorée. Le tir à la corde, ditelle, a «toujours été un sport de notre région», soulignant que les résultats du club font la fierté de la population. Pour des raisons de place, les CM auront lieu sur le campus de la petite ville voisine de Sursee. D’après la politicienne, l’un des objectifs est de mieux faire connaître le tir à la corde en Suisse. Tandis que la lutte est devenue populaire et tendance même dans les régions urbaines, le tir à la corde reste discret. En ce samedi de Parée pour la victoire: la relève du tir à la corde d’Ebersecken lors de l’échauffement. Photos Danielle Liniger Les chaussures spéciales du tir à la corde: une plaque de métal au talon est autorisée. Le poids de chaque équipe est vérifié avant le tournoi. Zofingen Olten Langenthal Roggwil Willisau Sursee Schöftland Ebersecken Dagmersellen Altishofen Ebersecken se situe au centre du triangle formé par les villes de Langenthal (BE), Sursee (LU) et Zofingen (AG). Âgée de 26 ans, la coprésidente du club pratique elle-même le tir à la corde. «De bons copains sur qui on peut compter», ajoute Erich Joller, qui à 34 ans entraîne l’élite. «Le fait que tout le monde se soucie des autres, du plus fort au plus faible», complète Sarah Lüönd, auxiliaire à la fête et spectatrice. Et même les juniors de 13 ans Svenja Krauer et Julia Marti trouvent qu’il s’agit d’«un chouette sport d’équipe», qui devrait néanmoins compter plus de femmes. «Écrivez-le!», insistent-elles, à bout de souffle, entre deux tirs à la corde. Le club de tir à la corde d’Ebersecken inRevue Suisse / Octobre 2022 / N°5 14 Reportage

15 SUSANNE WENGER Depuis la fin du mois de mars, plus aucune mesure sanitaire nationale n’est en vigueur contre le coronavirus en Suisse. À la vague inattendue d’Omicron, cet été, les autorités ont réagi en se contentant de conseiller un rappel vaccinal aux plus de 80 ans pour éviter les formes graves de la maladie. Le pays conservait ainsi sa retenue. Le ministre de la santé, Alain Berset, s’était déjà félicité au printemps: «Dans quel autre pays que la Suisse auriez-vous voulu vivre durant la pandémie?», avait répondu le conseiller fédéral PS à un journaliste qui revenait sur la gestion de la crise sanitaire. Il promettait néanmoins qu’on tirerait un bilan sincère de celle-ci. Depuis, plusieurs rapports ont été publiés par l’Office fédéral de la santé (OFSP), la Chancellerie fédérale, les commissions du Parlement et la Conférence des gouvernements cantonaux. Dans l’ensemble, la gestion de la pandémie s’en sort bien. La Confédération et les cantons «ont réagi à la menace que représente le Covid-19 de façon adéquate la plupart du temps et, à quelques exceptions près, à temps», évaluent les experts mandatés par l’OFSP. Leurs analyses contiennent cependant aussi des remarques critiques. L’organisation de la Suisse en cas de crise, en particulier, est considérée comme lacunaire. Et les autorités étaient insuffisamment préparées, par exemple en ce qui concerne le nombre de masques stockés. De meilleures structures de crise En cas de pandémie, Confédération et les cantons devraient mieux collaborer, et l’implication des milieux scientifiques devrait être clarifiée, estiment aussi les experts. Ceux-ci s’interrogent en outre sur le bien-fondé de certaines mesures contre la propagation du virus, notamment la fermeture des écoles au printemps 2020 et l’isolement des personnes âgées dans les EMS. Fait frappant: ils parlent très peu du marasme de l’automne et de l’hiver 2020. Les autorités ayant pris des mesures tardives en raison du désaccord entre les différents niveaux de l’État, et les vaccins n’étant pas encore disponibles, cela a conduit, par moments, à une surmortalité importante. Une grande partie des plus de 13 000 décès confirmés jusqu’ici dus au coronavirus en Suisse se sont produits dans cette phase de la deuxième vague. Dans le rapport de l’OFSP, ce retard Pandémie: quelles leçons la Suisse tire-t-elle? La Confédération et les cantons dressent le bilan de la gestion du coronavirus en Suisse. Leurs rapports contiennent beaucoup d’autosatisfaction, quelques remarques critiques et une grande tache aveugle. Le conseiller fédéral Alain Berset, ici lors d’une rencontre avec le personnel de l’hôpital de Neuchâtel en 2020, a promis un bilan sincère de la gestion politique du coronavirus par la Suisse. Photo Keystone fatal n’est abordé que marginalement. Seul le président des directrices et directeurs cantonaux de la santé, le centriste bâlois Lukas Engelberger, a pour l’heure émis des regrets dans le cadre de ce bilan. Le taux de vaccination de la Suisse, inférieur au reste de l’Europe occidentale, n’a lui non plus pas encore été abordé. Les rapports listent des recommandations, dont la plupart visent une amélioration des structures de crise. On ignore encore en quoi la loi sur les épidémies et le plan de pandémie national seront effectivement modifiés. Au Parlement et dans les médias, certains réclament déjà que de vraies leçons soient tirées du bilan. Sans quoi il ne servira à rien. Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 Covid-19

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Bambi, entre la vie et la mort 3000 Les faons ne s’échappent pas quand le paysan s’approche avec sa faucheuse. Ainsi, ils périssent souvent déchiquetés par la machine. Depuis peu, leur salut arrive du ciel: l’organisation Sauvetage Faons survole en drone des dizaines de milliers d’hectares de prairies avant la fauche. 3000 faons ont pu être localisés et sauvés cette année. Cela changera-t-il notre regard sur les drones? 3 Tandis que le pays parle d’économies d’eau et d’énergie, les scouts ont sérieusement montré l’exemple au camp fédéral: ils n’ont eu droit qu’à trois minutes de douche par semaine. Le rythme à tenir était donc strict: une minute d’eau pour se mouiller, deux minutes sans eau pour se savonner, deux minutes d’eau pour se rincer. À l’eau froide, bien entendu. 470 Presque en même temps – mais pas au camp fédéral –, les ventes de petits chauffages électriques ont explosé en Suisse. Galaxus, la plus grande boutique en ligne du pays, en a vendu en juillet 470 % de plus qu’au cours du même mois de l’année précédente. Les consommateurs ont réagi ainsi à la crainte de voir le gaz de chauffage manquer l’hiver prochain. 30000 Seuls des drones dotés de caméras étaient à même d’appréhender, cet été, la dimension du camp fédéral 2022, le plus grand camp de scoutisme suisse de tous les temps. Le campement dans lequel 30 000 scouts ont passé de chaudes journées d’été s’étendait sur près de quatre kilomètres au cœur de la vallée de Conches (VS). www.mova.ch/fr/cafe 27 Tous les chiffres cités ici sont vérifiés et corrects. Il est important de le mentionner, car même en Suisse, bon nombre de personnes affirment que les médias mentent et que les politiciens nous manipulent. D’après un sondage récent, 27 % des Suisses sont de cet avis et peuvent donc être considérés comme des complotistes. Ce qui est impressionnant, c’est que leur chiffre a baissé d’un bon quart pendant la pandémie de coronavirus. Tentative d’explication des chercheurs: la véhémence de certains porte-parole critiques a effrayé bon nombre de gens réceptifs aux théories du complot. RECHERCHE DES CHIFFRES: MARC LETTAU La «Revue Suisse», le magazine des Suisses·ses de l’étranger, paraît pour la 48e année six fois par an en français, allemand, anglais et espagnol, en 13 éditions régionales, avec un tirage total de 431000 exemplaires, dont 253000 électroniques. Les nouvelles régionales de la «Revue Suisse» paraissent quatre fois par an. La responsabilité du contenu des annonces et annexes publicitaires incombe aux seuls annonceurs. Ces contenus ne reflètent pas obligatoirement l’opinion de la rédaction ni celle de l’organisation éditrice. Tous les personnes enregistrées auprès d’une représentation suisse reçoivent le magazine gratuitement. Les personnes non inscrites auprès d’une représentation suis‑ se en tant que Suisses·ses de l’étranger peuvent s’abonner (prix pour un abonne‑ ment annuel: Suisse, CHF 30.–/ étranger, CHF 50.–). ÉDITION EN LIGNE www.revue.ch DIRECTION ÉDITORIALE Marc Lettau, rédacteur en chef (MUL) Stéphane Herzog (SH) Theodora Peter (TP) Susanne Wenger (SWE) Paolo Bezzola (PB, représentant DFAE) PAGES D’INFORMATIONS OFFICIELLES DU DFAE La responsabilité éditoriale de la rubrique «Nouvelles du Palais fédéral» est assumée par la Direction Consulaire, Innovation et‑Partenariats, Effingerstrasse 27, 3003 Berne, Suisse. kdip@eda.admin.ch | www.eda.admin.eda ASSISTANTE DE RÉDACTION Sandra Krebs (KS) TRADUCTION SwissGlobal Language Services AG, Baden DESIGN Joseph Haas, Zürich IMPRESSION Vogt-Schild Druck AG, Derendingen ÉDITRICE La «Revue Suisse» est éditée par l’Organi‑ sation des Suisses de l’étranger (OSE). Adresse postale de l’édition, de la rédacti‑ on et du sponsoring: Organisation des Suisses de l’étranger, Alpenstrasse 26, 3006 Berne. revue@swisscommunity.org Tél. +41 31 356 61 10 Coordonnées bancaires: CH97 0079 0016 1294 4609 8 / KBBECH22 CLÔTURE DE RÉDACTION DE CETTE ÉDITION 17 août 2022 CHANGEMENT D’ADRESSE Veuillez communiquer tout changement à votre ambassade ou à votre consulat. La rédaction n’a pas accès à vos données administratives. Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 17 Chiffres suisses Impressum

STÉPHANE HERZOG Le million de chaudières à mazout et à gaz qui chauffent les maisons suisses devra être remplacé par des pompes à chaleur, de la géothermie ou, hors des villes, par du chauffage au bois. Ces solutions permettront de baisser les émissions de CO₂ d’environ 30%. «C’est un choix qui s’est imposé naturellement, car remplacer une chaudière à mazout par une pompe à chaleur est simple. L’autre aspect des rénovations énergétiques est politique: nous voyons que nous ne pouvons plus dépendre d’énergies fossiles produites de l’étranger», résume Stéphane Genoud, professeur de management de l’énergie à la Haute école du Valais. Peu à peu, les lois cantonales imposent le remplacement de chaudières à mazout et à gaz par des systèmes durables. Mais une partie de la population compte d’abord les francs. En 2021, plus de 17’000 chaudières fossiles ont encore été installées, contre 33’000 pompes à chaleur. Des entreprises de chauffage n’ont pas hésité à proposer des prix sacrifiés pour remplacer des chaudières à mazout par des unités semblables, anticipant l’entrée en vigueur de ces nouvelles lois. Cette fièvre a notamment touché Glaris, Saint-Gall ou Zurich. «Ces publicités pro-mazout s’assoient sur les générations futures, car ces chaudières brûleront encore du mazout durant un quart de siècle», réagit Stéphane Genoud. Cet ancien électricien estime que la courbe de production de CO₂ en Suisse et dans le monde amènera un réchauffement de 3 à 4 degrés d’ici à 2050, avec des conséquences incommensurables sur le pays. La pompe à chaleur est au centre de la transition énergétique L’outil phare de la transition est la pompe à chaleur (PAC). Cet appareil qui extrait de la chaleur d’une source liquide ou de l’air équipe aujourd’hui environ un bâtiment sur La Suisse devra débrancher un million de chaudières fossiles L’urgence climatique implique l’abandon des chaudières à mazout et à gaz. Les solutions techniques existent, mais la main d’oeuvre et le matériel manquent. Des milliers de nouvelles chaudières fossiles sont encore installées. Une image typiquement suisse: une sonde géothermique nécessite le percement de trous profonds au moyen d’une perceuse mobile. Objectif: chauffer la maison avec l’énergie thermique du sol. Photo Keystone Revue Suisse / Octobre 2022 / N°5 18 Nature et environnement

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