DENISE LACHAT La première réaction a été la colère. Elle a éclaté le 26 septembre, au lendemain de la votation sur la réforme de l’AVS, entre autres sur la place de la gare de Berne. Au micro, la conseillère nationale PS bernoise Tamara Funiciello a crié, devant des centaines de manifestantes, que le résultat de cette votation était une véritable insulte. «Des hommes vieux, riches et blancs» ont décidé que les femmes devraient désormais travailler un an de plus en Suisse. En effet, contre la volonté d’une majorité d’entre elles, une majorité d’hommes a voté pour la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Le fossé entre les sexes s’est avéré frappant lors de cette votation: deux tiers des votantes (63 %) se sont opposées à la réforme, tandis que seul un tiers des hommes (37 %) l’ont rejetée. Cependant, une minorité de femmes – pour la plupart issues des partis bourgeois – ont également contribué à ce résultat extrêmement serré. Elles aussi ont été épinglées par Tamara Funiciello. Rien, a-t-elle fulminé, les conseillères nationales et conseillères aux États n’ont absolument rien fait pour l’égalité, que des promesses vides. La réaction offusquée des politiciennes de droite ne s’est pas fait attendre. En bref, les jours qui ont suivi la votation ont été empreints d’attaques mutuelles: les femmes suisses ont semblé plus divisées que jamais. Améliorer la situation des retraitées Plus tard, des voix plus conciliantes se sont fait entendre. Il n’existe pas qu’une définition de la politique féministe, et les femmes ont le droit, L’âge de la retraite des femmes relevé à 65 ans La «votation de l’année» a tenu les femmes en haleine jusqu’au bout. En grande majorité, elles ont voté non à la réforme de l’AVS. Mais elles ont été battues de peu. Elles devront désormais travailler un an de plus pour obtenir leur rente de vieillesse. Déjà, la prochaine réforme du système de prévoyance est à l’ordre du jour. Et là, les femmes devraient être mieux loties. comme les hommes, de ne pas être d’accord entre elles, a déclaré Maya Graf dans une interview accordée à l’«Aargauer Zeitung». Depuis 2014, cette conseillère d’État verte de Bâle-Campagne dirige, avec la conseillère nationale vert’libérale bernoise Kathrin Bertschy, l’organisation faîtière des femmes en Suisse nommée Alliance F. En vue de la votation sur l’AVS, Alliance F avait constitué un comité pour le oui et un «Dini Mueter isch hässig» («Ta mère est en colère»): tel est l’un des slogans avec lesquels les manifestantes ont commenté le résultat de la votation sur l’AVS. Photo Keystone L’âge de la retraite des femmes Ce n’est pas la première fois que l’âge de la retraite des femmes est le principal point de litige d’une réforme de l’AVS. Lorsque l’AVS a été créée, en 1948, l’âge de la retraite était de 65 ans pour les hommes et pour les femmes. Le fait que le Parlement l’ait abaissé unilatéralement à 63 ans en 1957, puis à 62 ans en 1964, reflète, du point de vue actuel, une vision archaïque des rôles. À l’époque, les hommes avançaient que les femmes étaient plus fragiles face aux maladies et que leurs forces déclinaient plus tôt. Le «Tages Anzeiger» écrivait qu’il s’agissait là d’une «démonstration de pouvoir patriarcale» visant à ramener les femmes, souvent plus jeunes que leurs maris, dans les foyers et les cuisines juste à temps pour la retraite de ces derniers. Quoiqu’il en soit, l’âge de la retraite des femmes a été relevé en 2001 et 2005, d’abord à 63, puis à 64 ans. Trois autres tentatives d’égalisation ont échoué dans les urnes ou encore au Parlement. La quatrième tentative, celle du 25 septembre 2022, a rétabli la retraite à 65 ans pour les deux sexes. (DLA) Revue Suisse / Décembre 2022 / N°6 16 Politique
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