JANVIER 2023 Revue Suisse La revue des Suisses·ses de l’étranger Dans l’ombre de la guerre, la Suisse mise sur la force du soleil Lac de Brienz: des eaux hier plutôt troubles devenues les plus propres de Suisse Élections 2023: l’intérêt accru des partis politiques pour la «Cinquième Suisse»
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Connaissez-vous la «Banane» de l’École d’ingénieurs de Bienne? Ce n’était pas un fruit, non, mais une voiture solaire de course, construite en 1985 et arborant la forme et la couleur d’une banane. D’où son surnom. Elle tirait son énergie exclusivement des rayons du soleil. À part cela, ce véhicule d’apparence fragile était surtout une sorte de caisse à savon utopique bricolée à partir de matériaux bon marché: son châssis avait été fabriqué avec de vieux bâtons de ski en alu issus des stocks de l’armée suisse. La «Banane» n’était pas belle, mais elle était rapide. En 1985, lors d’une course longue distance à travers la Suisse, elle est arrivée deuxième, derrière une Mercedes. Mais dès 1986, les Biennois étaient invincibles. Avec un véhicule amélioré, ils sont devenus les premiers champions du monde officiels de course automobile solaire. Et en 1990, lors de la course de véhicules solaires la plus longue et la plus ardue du monde, celle qui traversait l’Australie, les Biennois ont atteint le zénith: avec leur véhicule «Spirit of Biel/Bienne II», ils ont déclassé le grand favori Honda et tous les autres groupes high-tech ayant pris part à la course. Le soleil a souvent souri aux Biennois. Rien qu’en 1996, ils ont battu dix records mondiaux de vitesse et de distance. Fonçant à 161 km/h, ils ont alors battu le record détenu par General Motors. Pourquoi ce retour en arrière? Car il permet de se demander pourquoi la Suisse, hier pays pionnier du solaire, n’occupe aujourd’hui que le milieu du classement européen en matière d’utilisation du photovoltaïque. Le «Spirit de Bienne» a remporté des lauriers. Mais il n’a pas initié de grand tournant en politique énergétique. Ce tournant, le Parlement suisse l’a pris en septembre 2022. Il a décidé que de grandes centrales solaires pourraient désormais voir rapidement le jour dans les Alpes suisses. Son moteur n’a été ni l’utopie, ni l’enthousiasme, mais la peur. Du fait de la guerre en Ukraine, l’approvisionnement énergétique est devenu incertain, même en Suisse, et le prix de l’énergie s’est envolé. Sans surprise, la nouvelle offensive solaire suisse recèle un conflit interne, car elle oppose deux types de biens naturels, favorisant l’énergie issue de sources naturelles, mais offrant moins de protection aux paysages de montagne. Explications dans notre dossier «En profondeur» (à partir de la page 4). Nous vous offrons quelques photos nostalgiques du «Spirit of Biel/ Bienne» sur revue.link/banane. Elles ont plus de 30 ans et datent d’une époque où la percée de l’énergie solaire en Suisse semblait à portée de main. MARC LETTAU, RÉDACTEUR EN CHEF 4 En profondeur Production d’énergie solaire: la Suisse passe à la vitesse supérieure 9 Nouvelles Élections du Conseil fédéral 2022: beaucoup de stabilité, peu de changements 10 Reportage L’exemple du lac de Brienz: hier très pollué, aujourd’hui presque trop propre… 13 Économie Guerre du café: Migros défie Nespresso, le leader du marché 14 Nature et environnement La renaissance de la châtaigne, un bien culturel suisse Actualités de votre région 17 Chiffres suisses 18 Politique Que reste-t-il des élections de 2019? Le bilan d’un politologue Les partis politiques suisses réagissent au poids croissant de la «Cinquième Suisse» 22 Littérature 24 Nouvelles du Palais fédéral Comment le DFAE veut sensibiliser les seniors de la «Cinquième Suisse» 27 Infos de SwissCommunity La Conseil des Suisses de l’étranger prend position sur la neutralité suisse 30 Débat La Banane rapide Photo de couverture: des installateurs solaires sur le toit de la salle de sport de Sevelen (SG). Archive Keystone (2011) La «Revue Suisse», magazine d’information de la «Cinquième Suisse», est éditée par l’Organisation des Suisses de l’étranger. Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 3 Éditorial Sommaire
STÉPHANE HERZOG Les spécialistes suisses de l’énergie solaire photovoltaïque n’en reviennent pas. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’installation de panneaux photovoltaïques est soudain devenue prioritaire. Les entreprises sont débordées. «Nous avons doublé nos effectifs par rapport à 2021», explique Yvan Laterza, patron de I-Watt, petite entreprise basée à Martigny (VS), qui se débat avec des problèmes d’approvisionnement. «Il y a quarante ans, on prêchait dans le désert. Désormais, les conditions sont favorables, aux énergies renouvelables, et au solaire photovoltaïque en particulier», déclare En Suisse, l’énergie photovoltaïque pèse environ 6% de la consommation électrique. Une valeur plutôt médiocre en comparaison européenne. La guerre en Ukraine a créé un électrochoc. Les projets solaires explosent, y compris dans les Alpes. Mais la polémique enfle. Jean-Louis Scartezzini, qui dirige le Laboratoire d’énergie solaire et physique du bâtiment à l’EPFL. Cet ingénieur décrit une Suisse qui était en avance sur la piste du solaire entre 1985 et 1995, mais qui s’est reposée sur ses lauriers, renonçant à former suffisamment de professionnels dans ce domaine. Stéphane Genoud, professeur en management de l’énergie à la Haute école du Valais regrette ce retard. «En Europe, la législation impose des panneaux solaires sur toutes les nouvelles constructions et ce sera bientôt le cas sur le bâti déjà existant», pointe-t-il. «Nous avons pris le virage un peu lentement », reconnaît le conseiller national libéRéveillé par la guerre, le solaire suisse lorgne les alpages Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 En profondeur 4
5 veaux bâtiments d’une surface supérieure à 300 m2, une installation solaire devra être mise en place sur les toits ou les façades. Celle-ci ne sera pas soumise aux règles fixées par la Loi sur l’aménagement du territoire: l’intérêt de la réaliser primera en principe sur d’autres intérêts nationaux, régionaux et locaux. Votées avec l’appui des Vert.e.s, ces dispositions provoquent des débats intenses en Valais, où un projet de super centrale solaire alpine est en cours d’élaboration (voir encadré en page 6). Pour la Verte valaisanne Céline Dessimoz, ces décisions relèvent d’une certaine hystérie. «Le parlement tombe dans les extrêmes et fait fi de lois sur l’aménagement du territoire et l’environnement durement acquises», s’exclame-t-elle. L’écologiste estime que l’installation de panneaux solaires dans des pâturages répond à une logique purement commerciale. «Maintenant que des communes ont identifié un potentiel pour de tels projets, tout s’accélère. Mais on ne peut pas développer le photovoltaïque au détriment des paysages et de la biodiversité.» Le propos fait sourire Jacques Bourgeois. «On nous dit qu’il faut sortir du nucléaire et quand on peut le faire on s’y oppose», dit-il. Pour ce libéral, les projets alpins rendus possibles par la loi sur l’énergie vont dans le bon sens. «En altitude, le renprix de l’électricité ont pris l’ascenseur, avec des hausses pouvant dépasser les 30%. Dans le Valais central, les habitants ont vu le prix du kWh passer de 20 à 28 centimes après une stabilité qui a duré 20 ans, indique Arnaud Zufferey, dont le bureau conseille des collectivités dans la transition énergétique. Tout s’accélère, «mais en fait le solaire était déjà rentable il y a cinq ans», souligne-t-il. Sa maison est équipée de panneaux solaires. Le courant produit coûte 15 centimes le kWh et fait fonctionner une voiture électrique. L’excédent de cette énergie sera bientôt racheté à ce même prix par le distributeur valaisan électrique Oiken. Un panneau solaire de 10 mètres carrés placé au-dessus d’une voiture fournit assez d’énergie pour rouler 10’000 kilomètres par an, résume-t-il. Le parlement fédéral accélère le solaire Autre signal fort, le parlement fédéral a adopté fin septembre 2022 une loi d’urgence facilitant la construction des grandes installations solaires alpines. Les centrales dont la production annuelle dépassera les 10 gigawattheures pourront bénéficier de procédures de planification simplifiées et d’une aide de la Confédération. Lors de la construction de noural Jacques Bourgeois (FR), qui cite le cas du sud de l’Allemagne, où le solaire est bien implanté. La mèche du solaire a été rallumée, entre autres, par le conseiller fédéral Guy Parmelin. En septembre 2021, le ministre a évoqué la possibilité d’une pénurie d’électricité en se fondant sur un rapport dédié à la sécurité de l’approvisionnement en électricité de la Suisse. Créant un vent de panique. Avec l’invasion de l’Ukraine, les Suisses ont pris conscience de leur dépendance énergétique, notamment au courant électrique nucléaire français, mais aussi à une électricité allemande produite en partie par la combustion de gaz naturel russe. Les Les carnets de commandes des entreprises solaires suisses sont pleins à craquer, mais le personnel fait défaut: la pénurie de spécialistes dans la branche est énorme. Photo Keystone L’offensive solaire de la Suisse permet désormais de construire de grandes installations photovoltaïques hors des zones à bâtir, par exemple en altitude dans les Alpes. Photo iStock Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1
C’est l’histoire d’un projet de centrale solaire dans les Alpes valaisannes, lancé dans une chronique publiée par un journal local. Son auteur ? Le politicien et ancien président du Parti socialiste suisse (1987-1997) Peter Bodenmann. Publiée en février 2022 dans le Walliser Bote sous le titre «Make Grengiols Great Again!», ce billet a vendu l’idée d’une installation qui produirait un milliard de kilowattheures d’électricité, disponibles essentiellement en hiver. Les alpages de Grengiols, sis dans le parc naturel de la vallée de Binn, accueilleraient des panneaux solaires bifaces sur une surface équivalant à 700 terrains de football. Soutenu par la commune de Grengiols, ce site couvrirait les besoins en électricité de 100’000 habitants au moins. Avantage: ces panneaux verraient leur efficience doublée du fait de l’altitude et de l’enLe cas emblématique de la super centrale solaire de Grengiols ploitation d’ici 2025. «On parvient à réaliser des installations géantes dans des sites vierges, mais on ne possède pas la capacité politique d’en placer sur des toits, des parkings ou des autoroutes», regrette-t-il. Joint dans son hôtel de Brigue, Peter Bodenmann balaie ces arguments. Les calculs de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale et de l’Université de Genève montrant que le transport de l’énergie de Grengiols à la vallée pose des problèmes techniques ? «Ces gens ne sont pas informés», répond Bodenmann. Les atteintes à l’environnement ? «Les panneaux favoriseront la biodiversité en créant des zones protégées de la chaleur.» «Nous avons un problème en hiver. À cette saison, les panneaux installés en altitude produiront quatre fois plus d’énergie qu’en plaine», conclut l’ancien président du PS. (SH) dement des panneaux solaires est doublé», avance-t-il. Pour l’ingénieur et professeur à l’EPFL, Jean-Louis Scartezzini, la priorité doit être mise sur la pose de panneaux solaire sur les toitures, les chemins de fer, les autoroutes. Autant de surfaces potentielles qui sont déjà connectés au réseau électrique et qui se trouvent à proximité des consommateurs. Cet expert en physique du bâtiment cite les 850 kilomètres carrés de routes suisses et les 500 kilomètres carrés de toitures. Scartezzini souligne aussi la nécessité de trouver un équilibre entre production d’énergie et protection de la nature. «Depuis 1990, la Suisse a perdu deux tiers de la masse d’insectes, avec des conséquences incalculables sur la biodiversité et la vie en général. Il faut en tenir compte». La transformation d’alpages en site industriel solaire représenterait donc un risque disproportionné par rapports aux objectifs. soleillement. «Ce parc pourrait être réalisé séance tenante», a déclaré aux médias le conseiller d’État centriste valaisan Beat Rieder, qui a relayé à Berne l’idée de Peter Bodenmann. Celle-ci a fait aboutir en un temps record les arrêtés de septembre en faveur du solaire. Ce projet a suscité une vague d’oppositions de la part d’organisations environnementales, notamment de la part de la Fondation Franz Weber. Les Académies suisses des sciences ont même appelé à faire preuve de retenue. Le conseiller national vert Christophe Clivaz (VS) dénonce un dispositif qui a été lancé sans étude de faisabilité. Il estime que le transport du courant vers la vallée ne pourra pas être mené par l’opérateur Swissgrid dans les temps fixés par cette loi urgente, qui lie le financement à un début d’exLe paysage alpin près de Grengiols, aujourd’hui (à g.), et la visualisation de l’idée du projet par l’IG Saflischtal, qui le considère d’un œil critique (à dr.). Photos IG Saflischtal «Il y a 40 ans, nous prêchions dans le désert. Aujourd’hui, les conditions sont favorables aux énergies renouvelables, et surtout au photovoltaïque.» Jean-Louis Scartezzini ingénieur et professeur à l’EPFL Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 6 En profondeur
La courbe du solaire suisse suit une pente raide comme les Alpes Au rythme actuel, le solaire photovoltaïque pourrait atteindre les objectifs fixés pour 2050. Le prix des panneaux baisse et leurs performances ont doublé. L’éolien se présente comme une énergie d’appoint en hiver. La production d’énergie solaire en Suisse s’élève à environ 3 térawatts heure (TWh), soit un peu plus que la production annuelle d’électricité de l’ancienne centrale nucléaire de Mühleberg (BE). Cela représente environ 6% de l’électricité consommée en Suisse, ce qui est plutôt médiocre en comparaison européenne. Demain, les toits et façades des maisons suisses pourraient produire 67 térawatt heures d’électricité solaire par an, estime Swissolar. En 2021, 700 mégawatts (MW) de photovoltaïque ont été installés. En 2022, ce chiffre devrait atteindre une puissance record de 1000 MW, estime Jean-Louis Scartezzini, professeur à l’EPFL. Si l’on suit cette tendance, l’objectif fixé par la Confédération d’une production photovoltaïque de 34 térawatts heures en 2050 pourra être atteint, estime-t-il. La consommation totale d’électricité est actuellement de 58 TWh, avec 18 TWh produits par le nucléaire et 10 TWh produits par les barrages valaisans. Les facteurs qui déterminent l’expansion du solaire sont l’efficience et le prix des panneaux. Leur prix a diminué de plus de 90% en 12 ans et leur rendement énergétique a doublé en trente ans. Une étude de l’EPFL a montré que la seule exploitation des toits du pays orientés vers le sud pourrait répondre à plus de 40% de la demande en électricité. Le développement du solaire passera d’abord par l’installation de centrales avec de grandes surfaces. «Plus c’est grand, moins c’est cher», résume l’ingénieur valaisan Arnaud Zufferey. Le prix de revient d’un kWh produit sur un grand toit oscille entre trois et cinq centimes. C’est le triple pour une villa. Un panneau et plusieurs avis Depuis la deuxième révision de la Loi sur l’aménagement du territoire en 2018, l’installation de panneaux solaires nécessite seulement de remplir un formulaire d’annonce. En revanche, l’installation de panneaux hors des zones à bâtir et des bâtiments est longue, car elle ne repose pas sur des bases légales claires. Ce sont ces règles que le Parlement a décidé d’assouplir (voir texte principal page 4). Dans son entreprise de Martigny, Yvan Laterza compte une vingtaine d’heures pour les démarches légales en vue d’une installation solaire. «Les pompiers, voire les ramoneurs, peuvent exiger des documents, en papier qui plus est, ce qui prend du temps», dit-il. À Genève, l’ingénieur indépendant François Guisan pointe les freins qui existent dès lors qu’il est question de protection patrimoniale. Les restrictions peuvent même concerner des bâtiments datant des années 1960. L’éolien, cousin du solaire À côté du solaire, on trouve l’éolien. Sa production est plus élevée en hiver, au moment où celle du photovoltaïque baisse. «L’Autriche compte plus de 1400 éoliennes et la Suisse une quarantaine, or la géographie de ces pays est très semblable et les Autrichiens ne sont pas connus pour détruire leur environnement naturel», commente Jean-Louis Scartezzini. Le potentiel de l’énergie éolienne en Suisse était estimé à 5 TWh par an selon une étude de l’Office fédéral de l’énergie menée en 2012. «Mais dans le cadre légal actuel, où des éoliennes pourraient également être installées en forêt, il a été revu à la hausse». Ce dernier est désormais évalué à 30 TWh. (SH) En Suisse, rien que les surfaces des toits orientés vers le sud seraient capables d’emmagasiner assez d’énergie pour couvrir 40% des besoins en électricité. Les façades aussi sont de plus en en plus utilisées, comme ici à Winterthour. Photo Keystone 7
Le canton de Bâle-Ville devient un pionnier du climat Le canton de Bâle-Ville entend atteindre la neutralité climatique d’ici 2037, c’est-à-dire l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre. C’est ce qu’ont décidé les habitants du canton dans les urnes en novembre 2022. Bâle-Ville devient ainsi un pionnier du climat, car il s’agit de l’objectif le plus ambitieux jamais décidé sur le plan politique en Suisse. Sur le plan national, l’horizon est 2050. La ville de Zurich, par exemple, veut atteindre la neutralité climatique en 2040, et Berne en 2045. (MUL) Le Conseil fédéral prolonge le statut de protection S Une fin rapide de la guerre en Ukraine ne pouvant être escomptée, le Conseil fédéral prolonge le statut de protection S pour les réfugiés ukrainiens. Au début, il avait été décidé de leur assurer protection et soutien pendant un an, c’est-à-dire jusqu’en mars 2023. Mais les mesures de soutien sont désormais prolongées d’un an. (MUL) Des pertes de plusieurs millions pour les CFF Les Chemins de fers fédéraux (CFF) produisent une grande partie de l’électricité qu’ils consomment dans leurs propres centrales hydroélectriques. En raison de l’extrême sécheresse, les CFF ont cependant dû acheter de grandes quantités d’énergie cette année et ils s’attendent à une perte de 180 millions de francs pour 2022. La forte hausse des prix de l’énergie, due à la guerre en Ukraine, impacte donc lourdement l’entreprise ferroviaire. (MUL) Le Valais dit «oui» au suicide assisté en EMS Le suicide assisté est autorisé en Suisse. Cependant, en Valais, canton catholique et conservateur, de nombreux établissements médico-sociaux (EMS) l’interdisaient. Une décision populaire cantonale vient à présent corriger cela. Plus de 75 % des citoyens ont approuvé l’exigence de rendre le suicide assisté possible dans les EMS valaisans. (MUL) Les Vert’libéraux font de la pub pour l’EEE Les relations non clarifiées, non réglementées et, par conséquent, de plus en plus troubles entre la Suisse et l’Union européenne (UE) font naître des appels en faveur d’autres voies. Ainsi, le Parti vert’libéral (PVL) a-t-il défendu en décembre l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE). Pour rappel, la Suisse avait rejeté de très peu un projet d’adhésion à l’EEE en 1992. Le PVL souligne que la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, pays nonmembres de l’UE, vivent très bien au sein de l’EEE, mais que la Suisse, en revanche, n’avance pas dans ses négociations sur un accord-cadre avec l’UE et se perd dans les détails. L’adhésion à l’EEE offrirait en revanche à la Suisse une solution rapide et stable à long terme, affirme le PVL, car elle a été négociée et couvre l’ensemble du marché intérieur au-delà des bilatérales. Reste à savoir si la Suisse serait la bienvenue au sein de l’EEE. (MUL) Julia Steinberger L’automne dernier, des activistes ont bloqué dix routes urbaines très fréquentées en Suisse. Nommé «Renovate Switzerland», leur mouvement exige la rénovation énergétique d’un plus grand nombre de bâtiments, une mesure de protection du climat qu’il estime rapide à mettre en œuvre. Le blocage des routes visait à attirer l’attention sur la question. À Berne, une climatologue mondialement reconnue a pris place sur l’autoroute dans un gilet orange. Elle se nomme Julia Steinberger, a 48 ans et enseigne l’économie écologique à l’Université de Lausanne (UNIL). «L’habitabilité de notre planète est détruite sous nos yeux, dit-elle, nous devons donc tout faire pour sauver notre avenir.» Quand la police est arrivée, Julia Steinberger a collé ses mains sur l’asphalte. Elle a été emmenée avec rudesse. L’action, non dénuée de danger, a duré une demi-heure, bien moins que l’émoi qu’elle a suscité ensuite. C’était calculé. Mais, dans les cercles politiques, le comportement radical de la scientifique est parfois vertement critiqué. Il ne conviendrait pas à une fonctionnaire d’État. Les médias aussi se sont interrogés: ne faudrait-il pas séparer la recherche et l’activisme? Réponse de la Genevoise: voilà assez longtemps que les scientifiques livrent des faits. Elle a travaillé elle-même sur le rapport publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2022. Elle note que les avertissements des chercheurs n’ont pas eu d’écho suffisant et pense qu’il faut désormais agir autrement pour que les gens prennent conscience de l’urgence. Pour elle, la «désobéissance civile» est légitime. L’UNIL n’interdit pas à sa professeure de manifester. Ainsi, Julia Steinberger est devenue le gage de sérieux du mouvement climatique en Suisse. SUSANNE WENGER Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 8 Sélection Nouvelles
9 À la fin de 2022, le Parlement a repourvu deux sièges en même temps au Conseil fédéral, qui en compte sept. Les deux plus anciens membres du gouvernement avaient en effet annoncé leur départ: le Zurichois Ueli Maurer, de l’UDC, parti conservateur de droite, et la Bernoise Simonetta Sommaruga, du PS. Pour succéder au premier, le Parlement a élu Albert Rösti, conseiller national bernois et ancien président de l’UDC. Et pour succéder à la seconde, il a choisi la conseillère d’État jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, ancienne ministre de l’éducation du canton du Jura. Ainsi, rien n’a changé concernant la composition politique du gouvernement national, à majorité bourgeoise. Y sont traditionnellement représentés les partis comptant le plus d’électeurs à droite, à gauche et au centre de l’échiquier politique, qui président ensemble à la destinée du pays et recherchent des solutions équilibrées. Le système politique suisse ne connaît pas de majorité ni d’opposition. Les deux nouveaux élus faisaient partie des candidats présentés par leurs partis, même si l’élection d’Elisabeth Baume-Schneider a surpris. Le Conseil fédéral reste constitué de trois femmes et quatre hommes. La Suisse alémanique et les villes sont sous-représentées Si cette élection de remplacement a donc globalement été synonyme de stabilité, elle possède néanmoins des particularités. Il s’agit de la première fois que le canton limitrophe du Jura, plus jeune membre de la Confédération, est, à sa plus grande joie, représenté au gouvernement. Et ce dernier est désormais à majorité latine: trois Romands et un Tessinois font face à trois Suisses alémaniques. Une telle constellation n’a existé qu’une seule fois depuis la naissance de l’État fédéral, il y a 175 ans, et seulement de 1917 à 1919. Des voix critiques se sont élevées pour exiger que cette majorité latine demeure, cette fois aussi, provisoire. Comme 70 % de la population vit en Suisse alémanique, celle-ci est à présent nettement sous-représentée. La Constitution prévoit en effet une représentation équilibrée des régions linguistiques. Le fait que les grandes villes ne soient plus représentées au Conseil fédéral a également donné lieu à de vifs débats. La gauche perd un département clé Le nouveau conseiller fédéral UDC Albert Rösti a pris les rênes du Département de l’environnement, des transports et de l’énergie, jusqu’ici dirigé par Simonetta Sommaruga. Ainsi, la gauche a perdu ce département clé au profit de la droite. La nouvelle conseillère fédérale PS Elisabeth Baume-Schneider dirige le Département de justice et police et est ainsi responsable de la politique de l’asile. Ce département est devenu vacant parce que la conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter est passée à celui des finances. Les autres membres du Conseil fédéral ont conservé leur département. Les choses resteront-elles ainsi au Conseil fédéral? On le verra dans le courant de l’année déjà. Après les élections nationales de l’automne, le nouveau Parlement réélira le gouvernement au complet en décembre. Selon le résultat des partis, et si une nouvelle démission advenait, il pourrait à nouveau y avoir du mouvement à l’exécutif. Renforcés, les partis verts réclament par exemple depuis plusieurs années un siège au gouvernement. (SWE) Deux nouvelles têtes au gouvernement suisse Le Bernois Albert Rösti (UDC) et la Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider (PS) viennent de faire leur entrée au Conseil fédéral. Cette élection de remplacement par le Parlement a provisoirement confirmé l’équilibre des forces au gouvernement national. La représentation des régions a donné lieu à des débats. Départ: Ueli Maurer (UDC, ZH) a démissionné du Conseil fédéral à la fin de 2022. Le ministre des Finances se considérait comme un épargnant prudent. Départ: La démission de Simonetta Sommaruga (PS, BE) à la fin de 2022 a quelque peu surpris. En tant que ministre de l’Environnement, elle a marqué de sa patte la politique climatique et énergétique du pays. Arrivée: Elisabeth Baume- Schneider (PS, JU) succède à Simonetta Sommaruga en tant que conseillère fédérale PS. Elle est en charge de la justice. Photos Keystone Arrivée: Albert Rösti (UDC, BE) fait son entrée au Conseil fédéral. Il est le nouveau ministre de l’Environnement, des transports et de l’énergie. Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 Nouvelles
MIREILLE GUGGENBÜHLER Michael Baumann est debout sur le toit de la nouvelle station d’épuration de Brienz (BE), dont il est responsable, et il laisse son regard vagabonder. En contrebas sont garés des véhicules de construction; derrière lui, on voit les bassins d’épuration, et devant lui, à 300 mètres de distance, le lac de Brienz et la plage Haslistrand. C’est là que se baignent en été les habitants de la vallée du Hasli. Aujourd’hui, celle-ci est déserte. Des vaguelettes se brisent sur le gravier, mais l’eau smaragdine reste calme: la haute saison s’est achevée depuis belle lurette, les bateaux ne circulent plus. À une centaine de mètres de la rive, et à 18 de profondeur, l’eau nettoyée dans la station d’épuration est rejetée dans le lac. «C’est pendant la haute saison, en été, que nous épurons le plus grand volume d’eaux usées», indique Michael Baumann. C’est-à-dire quand le camping voisin est plein, que le musée en plein air de Ballenberg est ouvert et que les hôtels affichent complets. En hiver, en revanche, l’épuration de l’eau prend plus de temps. «Les micro-organismes qui nettoient l’eau bougent plus lentement dans le froid de l’hiver, comme les êtres humains», explique le responsable. Des vers, des insectes et des crustacés prospèrent La station d’épuration située à l’extrémité supérieure du lac de Brienz est neuve: elle remplace l’ancienne installation, qui avait atteint 50 ans. Elle est pilotée par ordinateur et surveillée par Michael Baumann et son collègue de travail. Sa construction n’est pas encore tout à fait terminée, mais la station est déjà en service. L’ancienne installation était déjà capable Quand le lac de Brienz était trop propre Le plus grand lac de montagne de Suisse a vécu des temps troublés. En 1980 encore, il contenait trop d’engrais et de phosphates. Puis, en quelques années, il est devenu si propre et pauvre en nutriments que les poissons y mouraient de faim. Aujourd’hui, l’écosystème du lac est intact, et les poissons vont bien. Le lac de Brienz, entouré par les Alpes bernoises, est aujourd’hui considéré comme le lac le plus propre de Suisse. Mais il ne l’a pas toujours été. Photos Danielle Liniger Plus haut, plus grand, plus rapide, plus beau? À la recherche des records suisses qui sortent de l’ordinaire. Aujourd’hui: au bord du lac le plus propre de Suisse. 10 Reportage
de filtrer de nombreux composés chimiques. Cependant, «la nouvelle permet de nettoyer beaucoup mieux encore les eaux usées», relève Michael Baumann. Et le succès est certain: cette station d’épuration est l’une des raisons majeures pour lesquelles le lac de Brienz, comparé à d’autres lacs suisses, se porte très bien en ce moment. Ce grand lac, situé à la lisière des Alpes et encore fortement pollué en azote dans les années 1980, est aujourd’hui considéré comme le plus propre de Suisse. Il possède un écosystème relativement intact, dans lequel les organismes animaux – notamment des crustacés comme les puces aquatiques, mais aussi des larves d’insectes ou des vers – prospèrent. Ces organismes servent de nourriture aux poissons. Lorsqu’ils sont nombreux dans un plan d’eau, c’est signe que celui-ci est relativement propre. La bonne santé du lac de Brienz a été attestée il y a un an dans un rapport commandé par l’Office fédéral de l’environnement. Pêcheurs et poissons ont vécu des temps difficiles La bonne santé actuelle du lac contraste fortement avec l’état préoccupant dans lequel il se trouvait par le passé. Et qui inquiétait beaucoup Beat Abegglen, entre autres. Ce pêcheur professionnel vit à Iseltwald, un ancien petit village de pêche situé sur la rive sud du lac de Brienz. À la fin des années 1980, il y a monté son entreprise de pêche. Peu après, cependant, le produit de son activité s’est effondré. «Au milieu des années 1990, les poissons de quatre ans pesaient entre 150 et 200 grammes en moyenne, et autour des années 2000, plus que 40 grammes, relate Beat Abegglen. Une telle perte de poids et un recul aussi drastique des produits de la pêche sont toujours un signe que quelque chose cloche dans l’eau.» En même temps que Beat Abegglen, les experts de l’Office des eaux du canton de Berne ont remarqué que les puces d’eau, ou daphnies, avaient elles aussi disparu. Or, ces dernières, qui font partie du plancton, sont la principale source de nourriture des corégones, les espèces de poissons les plus répandues dans le lac de Brienz. Sur la base de toutes ces observations, le canton de Berne a commandé un projet de recherche pour expliquer les raisons de la diminution du produit de la pêche et des puces d’eau. Les analyses ont montré que les changements observés étaient liés à une baisse des nutriments dans le lac, principalement due à la réduction massive des apports en phosphore – issu notamment des matières fécales ainsi que des produits de lessive et de nettoyage. D’après le rapport de recherche, cette réduction était quant à elle le résultat des «efforts consentis depuis des décennies à la protection technique des eaux», soit le fruit de la qualité du travail effectué dans la station d’épuration. Pour le lac de Brienz, déjà naturelleLa nouvelle station d’épuration de Brienz, que supervise Michael Baumann, est en grande partie responsable de la bonne qualité des eaux du lac. Le pêcheur Beat Abegglen a traversé des années difficiles quand les produits de la pêche se sont effondrés. Aujourd’hui, il remonte à nouveau davantage de poissons dans ses filets. 11
ment pauvre en nutriments, l’excellente protection des eaux avait donc sa part d’ombre: «L’offre limitée en nutriments restreint la croissance des algues, modeste même sans cela, et amaigrit la base alimentaire du plancton. Ainsi, les corégones trouvent eux aussi moins de nourriture», déclare le rapport. Le recul des produits de la pêche dans le lac de Brienz a causé des remous dans le secteur halieutique, mais aussi dans les cercles politiques. Certains ont réclamé l’augmentation artificielle des apports en phosphore dans les eaux par une réduction des activités de nettoyage des stations d’épuration. Le canton a rejeté cette demande. Du point de vue de la politique de l’environnement, rejeter de l’eau volontairement plus sale dans le lac n’était pas opportun. Le réchauffement climatique améliore la production de plancton Du fait d’un recul aussi massif du produit de son activité, Beat Abegglen a dû abandonner son métier de pêcheur. Aujourd’hui, il ne pêche plus que pendant ses loisirs et exerce une autre profession. Il vend son poisson à des clients de la région, qui font preuve de flexibilité par rapport à ses prises. Néanmoins, depuis quatre ans, les filets de Beat Abegglen sont à nouveau mieux garnis. Les poissons ne pèsent plus dans les 40 grammes, mais atteignent entre 170 et 180 grammes. «Parallèlement, on retrouve davantage de poissons blancs et de perches», note-t-il. Théoriquement, l’homme pourrait à nouveau vivre de la pêche. Mais il ne le veut plus: «Je ne tournerai pas le dos à la sécurité d’un revenu fixe.» Beat Abegglen a une explication sur le fait que les poissons prospèrent à nouveau: l’eau qui arrive dans le lac de Brienz par ses affluents est plus chaude qu’il y a quelques années encore. Le pêcheur pense que cela est dû au réchauffement climatique. «Pendant des années, la fonte des glaciers amenait de l’eau très froide dans le lac». Aujourd’hui, le volume des glaciers a nettement diminué, et les quantités d’eau qu’ils déversent dans l’Aar et la Lütschine, les principaux affluents du lac de Brienz, sont moindres. Le charriage des rivières dans le lac est également inférieur. Par conséquent, le lac est moins trouble et les rayons du soleil y pénètrent plus profondément. La chaleur de l’eau et le rayonnement solaire en profondeur ont une influence sur la production de plancton dans le lac. «Il y a plus de nourriture pour les poissons», note Beat Abegglen. Un lac instable depuis des années L’écosystème du lac de Brienz restera-t-il aussi bon à l’avenir? Il est difficile de le prévoir. Pour Beat Abegglen, «ce lac a toujours été instable». Le rapport de recherche du canton de Berne le confirme. À cela s’ajoute le fait que la nouvelle station d’épuration ne permet pas encore d’éliminer toutes les substances des eaux usées. Nul ne sait quel sera l’impact des micropolluants sur l’écosystème du lac à l’avenir. Cependant: «Dans quelques années, il sera certainement possible de filtrer ces micropolluants dans les stations d’épuration», relève Michael Baumann. Tout cela ne freine en rien l’attrait exercé par le plus grand lac de montagne de Suisse. Il est et demeure un but d’excursion prisé, notamment en raison de sa couleur particulière: cette année, la compagnie de navigation du lac de Brienz a enregistré le nombre de passagers le plus élevé depuis dix ans: 496 000 personnes ont effectué une excursion en bateau, soit environ 179 000 de plus qu’en 2013. Contrairement à son voisin le lac de Thoune, le lac de Brienz est avant tout fréquenté par les touristes étrangers. Toutefois, l’afflux de visiteurs n’est jamais aussi effréné que sur d’autres lacs, relève Beat Abegglen, qui, après 30 ans de pêche, est encore fasciné par le lac de Brienz: «À la fin du mois d’août, on observe toujours de nombreuses étoiles filantes au-dessus du lac. Il y en a tellement qu’on se sent tout à coup très humble et tout petit.» À Iseltwald, une presqu’île pittoresque s’avance dans le lac de Brienz. Et l’été, des bateaux à vapeur à aubes historiques sillonnent l’eau souvent smaragdine du lac de montagne. Photos Keystone © Swisstopo Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 12 Reportage
13 STÉPHANE HERZOG Pour goûter un CoffeeB, nouvelle capsule biodégradable de la filiale de Migros Delica, le géant orange nous dirige vers l’un de ses magasins d’électronique. Sur un stand genevois de la marque, une vendeuse extrait une boule brune d’un emballage carton. La machine dédiée à cette innovation – vendue 169 francs – délivre un expresso dénué d’acidité. Pas mal ! Dans le bac de la machine, les boules de café sont tièdes. Une pression du doigt suffit pour rompre la membrane végétale qui contient le café. Le marc se répand dans notre main. On cherche des yeux une plante grasse pour y verser le tout. Une boule de café à la conquête du monde C’est tout l’intérêt de ce produit, qui est commercialisé en Suisse et en France, au nez et à la barbe de Nespresso, dont les capsules en aluminium inondent la planète depuis 1986. La Migros se targue de fournir les avantages du café en capsule, «sans l’arrière-goût amer des déchets de capsules», grâce à une enveloppe protectrice à base de plantes et d’algues, donc sans emballage. Les boules de CoffeeB sont produites à Birsfelden (BS), mais les machines viennent de Chine. Leurs pièces sont réparables ou remplaçables, assure cependant le géant orange. Jann, 50 ans, est lui aussi venu tester le produit. Ce Data Manager a découvert les Coffee Balls en Corée, en regardant la TV. Il possède une machine Nespresso, mais préfère une autre marque de capsules. Il a le choix, puisque 200 entreprises en produisent dans le monde. Avec CoffeeB, la Migros met les mains dans un marché suisse du café qui est énorme. Sur les six premiers mois de 2022, Nespresso, La capsule de café sans aluminium qui se rit de Nespresso La Migros, le plus grand détaillant suisse, commercialise depuis septembre 2022 une capsule de café sans enveloppe: CoffeeB. L’irruption de ce produit biodégradable a eu un écho mondial. Mais que fait Nestlé, le leader du marché du café ? coffeeb.com nespresso.com nestle-nespresso.com dont tous les cafés sont torréfiés et préparés en Suisse, a généré 3,2 milliards de francs de revenus. Le géant produit aussi les capsules Starbucks, dont les ventes représentent 20% du marché mondial des capsules compatibles. Une «hérésie environnementale» «C’est dommage que le leader mondial du café en capsules n’innove pas et continue avec des conteneurs en aluminium, ce qui est une hérésie environnementale», critique Philippe Nicolet, ancien directeur général d’Ethical Coffee. Cette marque suisse avait défié Nestlé avec ses capsules compatibles. Avant de plier face au géant, en 2017. Nestlé lui-même voit les choses différemment. «L’impact carbone d’une tasse de café obtenue avec une autre machine entièrement automatique est 30 % supérieur par rapport au système Nespresso», répond Jessica Chakhsi, porte-parole de Nespresso Suisse. En utilisant exactement la dose de café, d’eau et d’énergie nécessaires, Nestlé limiterait le gaspillage de ressources. «Ce qui a le plus d’impact dans l’empreinte environnementale d’une tasse de café est lié aux étapes de la production du café et de la dégustation», assure la marque, qui propose 3'700 points de collecte en Suisse. Une majorité des 63 milliards de capsules en aluminium et en plastique écoulées chaque année dans le monde sont jetées à la poubelle, avait déclaré Fabrice Zumbrunnen, le patron de la Migros, lors du lancement de CoffeeB, son produit «révolutionnaire». Fin novembre, Nespresso a réagi, annonçant pour le printemps la mise sur le marché de capsules à base de papier compostable. Pas d’aluminium, pas de plastique, pas de déchets: une enveloppe purement végétale protège la poudre de café dans la capsule CoffeeB. Les résidus sont compostables. Photo Keystone Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 Économie
Châtaignes: la renaissance d’un bien culturel suisse Autrefois produit alimentaire de base, elles sont aujourd’hui une attraction touristique: en Suisse, les châtaignes ont certes perdu de leur importance économique, mais elles fêtent actuellement leur grand retour culturel. EVA HIRSCHI «Chaud les marrons!», entend-on l’hiver dans les ruelles, tandis qu’avec ce cri s’élève, de petites cahutes brunes, le parfum des châtaignes rôties au charbon de bois. Mais même si ce tableau fait partie intégrante de l’hiver en Suisse, et si des mets comme les vermicelles, la soupe de marrons ou les châtaignes caramélisées sont devenus incontournables, seules 100 tonnes de ces fruits à coques proviennent de Suisse. On n’en importe pas moins de 2500 tonnes, principalement d’Italie, mais aussi du Portugal, d’Espagne ou de France. Pourtant, la châtaigne a une longue histoire en Suisse. Jusqu’au XIXe siècle, c’était un élément essentiel à l’autonomie alimentaire du pays. On la cultivait surtout dans les vallées alpines du sud, au Tessin et en Valais, pour en faire de la farine, la sécher ou la déguster rôtie à la poêle. Le pain des pauvres En raison de sa haute valeur nutritive et de son prix bas, elle était aussi considérée comme le «pain des pauvres». Introduit par les Romains, le châtaignier est l’une des espèces végétales cultivées les plus anciennes d’Europe. Avec la diffusion de la pomme de terre, il a perdu son importance économique au XIXe siècle. Les vergers clairsemés de châtaigniers, appelés «selves», restent toutefois des éléments typiques du paysage suisse. Un entretien coûteux «Des centaines d’hectares de selves ont déjà disparu en Suisse», note Patrick Schoeck, responsable de la culture du bâti au sein de Patrimoine suisse. Souvent au profit de pâturages ou de champs cultivés. D’autres châtaigneraies ont été envahies par la forêt. C’est qu’elles nécessitent beaucoup d’entretien et de travail manuel. «Souvent, cela n’est pas rentable pour les paysans», relève Patrick Schoeck. Pour ne pas perdre totalement ce paRevue Suisse / Janvier 2023 / N°1 14 Nature et environnement
trimoine culturel et pour lutter contre le retour à l’état sauvage des selves, plusieurs initiatives locales ont vu le jour au Tessin dans les années 1980. Cela ne s’est pas fait sans protestations. Abattre des arbres pour sauver les châtaigniers de l’envahissement par la forêt: beaucoup trouvaient la mesure nuisible pour l’environnement. «Or, les châtaigneraies, avec leurs nombreuses surfaces aérées, offrent un biotope pour une tout autre flore et faune que les forêts, explique Patrick Schoeck. C’est important pour la biodiversité. Les selves accueillent elles aussi des espèces très diverses, mais d’une autre nature.» À côté de l’aspect écologique des selves, Mark Bertogliati, commissaire du Musée ethnographique de la vallée de Muggio, en souligne la valeur culturelle: «Dans les années 90, un processus de mise à jour historique a débuté. Les châtaigniers, en tant que bien culturel, étaient presque déjà oubliés au Tessin.» Dans la vallée de Muggio, par exemple, le musée a lancé, avec d’autres organisations locales, plusieurs initiatives pour encourager et faire revivre cette ancienne tradition comme un élément de l’identité locale. Ainsi, on peut par exemple visiter d’anciens ateliers de séchage ou s’adonner à des activités en famille, du ramassage au tri des marrons. Une association tessinoise récompensée L’association tessinoise «Associazione dei castanicoltori della Svizzera italiana» s’engage elle aussi pour la préservation des châtaigneraies depuis 1999: «Nous collaborons étroitement avec des écoles et organisons des excursions dans les selves», indique le président de l’association, Giorgio Moretti. Publications et manifestations sont aussi au programme, tout comme une collaboration scientifique. L’association aide ainsi la Confédération à dresser l’inventaire des espèces de châtaigniers dans le sud de la Suisse et a effectué pour cela des analyses d’ADN. «Nous avons identifié 50 espèces», note le président. En 2022, l’association a reçu le Prix Schulthess des jardins de Patrimoine suisse pour son engagement en faveur de la société civile. «Nous sommes très heureux de cette reconnaissance de notre travail», se réjouit Giorgio Moretti. Sur le plan économique, les châtaigniers n’ont toujours pas un poids énorme. En revanche, ils sont devenus une attraction touristique: désormais, en automne surtout, on peut faire de longues promenades dans de grandes châtaigneraies. Et, en octobre, des fêtes de la châtaigne ont lieu dans différentes villes et villages, notamment à Ascona ou à Fully, en Valais. Le fait qu’une partie des marrons doivent être importés pour la plupart de ces célébrations ne casse en rien leur ambiance. À gauche: les châtaigneraies clairsemées, appelées «selves», constituent un paysage culturel jadis typique du Tessin et précieux en matière de biodiversité. Photo Giorgio Moretti À droite: en Suisse, la châtaigne est très présente en hiver, même en ville. On vend des marrons chauds dans de nombreux centres-villes. Et malgré les nouvelles modes, les vermicelles restent un dessert populaire. Photos Giorgio Moretti (1) und Keystone (2) Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 15
Angebote für Jugendliche von Offres pour les jeunes de Offerte per i giovani tra i Offers for young people aged 15–25 Jahren ans anni years old 2023 PLUS D’INFORMATIONS SOUTENEZ LE SERVICE DES JEUNES GRÂCE À UN DON Angebote für Jugendliche von Offres pour les jeunes de Offerte per i giovani tra i Offers for young people aged Jahren ans anni ye rs old 2023 PLUS D’INFORMATIONS SOUTENEZ LE SERVICE DES JEUNES GRÂCE À UN DON
Le plus long train de passagers du monde 236000 Est-ce par pitié pour les personnes qui n’arrivent pas à retenir les chiffres? À la fin de l’automne, le canton de Zurich a mis aux enchères le numéro d’immatriculation automobile «ZH 100». Un automobiliste l’a obtenu pour 236000 francs. Jamais encore une plaque minéralogique zurichoise n’avait atteint un prix aussi élevé. L’argent a été versé dans les caisses – pas très garnies – du canton. 1910 Le 19 octobre 2022, le plus long convoi de voyageurs au monde a parcouru le tronçon montagneux, pittoresque et sinueux des Chemins de fer rhétiques entre Preda et Alvaneu. Sa longueur: 1910 mètres. Seuls 150 passagers ont cependant pu prendre place à bord des 100 voitures du train. Conscients de leur chance, ils n’ont probablement pas été gênés par le seul défaut de ce trajet record: le train est parti avec 20 minutes de retard. > revue.link/rhb 5512 Même avec des pièces d’argent, la santé ne s’achète pas. Pour la garder, il faut bouger tous les jours, et c’est gratuit. Le nombre de pas que nous effectuons au quotidien est un indicateur: il faudrait en faire 7500. Ce seuil n’est atteint dans aucun pays industrialisé occidental. Avec 5512 pas par jour, les Suisses trottinent dans la moyenne. Il semble donc que même ceux qui ne possèdent pas de plaque d’immatriculation «ZH 100» privilégient souvent la conduite à la marche. 999,9 Restons sur le sujet de l’argent. Si la Monnaie fédérale fournit à la Suisse ses espèces courantes, elle frappe aussi des pièces précieuses. Et celles en argent le seront encore plus désormais, puisque leur titre grimpe de 835 à 999,9. La première d’entre elles est consacrée au chansonnier bernois Mani Matter (1936-1972). D’une valeur nominale de 20 francs, elle coûte environ 80 francs. À ne pas introduire, donc, dans l’automate à snacks du coin de la rue. > revue.link/swissmint 100 Encore un ajout à propos du chiffre 100: dans une rivière propre coule 100 % d’eau. Mais cette eau n’est pas que de l’eau. Dans l’Aar, par exemple, l’eau est constituée à 55 % de neige fondue, à 32 % de pluie et à 13 % de glace des glaciers. Les personnes qui apprécient ce cocktail aqueux doivent espérer un hiver aussi froid et neigeux que possible. RECHERCHE DES CHIFFRES: MARC LETTAU La «Revue Suisse», le magazine des Suisses·ses de l’étranger, paraît pour la 49e année six fois par an en français, allemand, anglais et espagnol, en 13 éditions régionales, avec un tirage total de 431000 exemplaires, dont 253000 électroniques. Les nouvelles régionales de la «Revue Suisse» paraissent quatre fois par an. La responsabilité du contenu des an‑ nonces et annexes publicitaires incombe aux seuls annonceurs. Ces contenus ne reflètent pas nécessairement l’opinion de la rédaction ni celle de l’organisation éditrice. Tous les personnes enregistrées auprès d’une représentation suisse reçoivent le magazine gratuitement. Les personnes non inscrites auprès d’une représentation suisse en tant que Suisses·ses de l’étran‑ ger peuvent s’abonner (prix pour un abonnement annuel: Suisse, CHF 30.–/ étranger, CHF 50.–). ÉDITION EN LIGNE www.revue.ch DIRECT ION ÉDI TORI ALE Marc Lettau, rédacteur en chef (MUL) Stéphane Herzog (SH) Theodora Peter (TP) Susanne Wenger (SWE) Paolo Bezzola (PB, représentant DFAE) PAGES D’INFORMATIONS OFFICIELLES DU DFAE La responsabilité éditoriale de la rubrique «Nouvelles du Palais fédéral» est assu‑ mée par la Direction Consulaire, Innova‑ tion et‑Partenariats, Effingerstrasse 27, 3003 Berne, Suisse. kdip@eda.admin.ch | www.eda.admin.eda ASSISTANTE DE RÉDACT ION Sandra Krebs (KS) TRADUCT ION SwissGlobal Language Services AG, Baden DESIGN Joseph Haas, Zürich IMPRESSION Vogt-Schild Druck AG, Derendingen ÉDI TRICE La «Revue Suisse» est éditée par l’Orga‑ nisation des Suisses de l’étranger (OSE). Adresse postale de l’édition, de la rédac‑ tion et du sponsoring: Organisation des Suisses de l’étranger, Alpenstrasse 26, 3006 Berne. revue@swisscommunity.org Tél. +41 31 356 61 10 Coordonnées bancaires: CH97 0079 0016 1294 4609 8 / KBBECH22 CLÔTURE DE RÉDACTION DE CETTE ÉDITION 28 novembre 2022 CHANGEMENT D’ADRESSE Veuillez communiquer tout changement à votre ambassade ou à votre consulat. La rédaction n’a pas accès à vos données administratives. Chiffres suisses Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 17 Impressum
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