Revue Suisse 1/2023

trimoine culturel et pour lutter contre le retour à l’état sauvage des selves, plusieurs initiatives locales ont vu le jour au Tessin dans les années 1980. Cela ne s’est pas fait sans protestations. Abattre des arbres pour sauver les châtaigniers de l’envahissement par la forêt: beaucoup trouvaient la mesure nuisible pour l’environnement. «Or, les châtaigneraies, avec leurs nombreuses surfaces aérées, offrent un biotope pour une tout autre flore et faune que les forêts, explique Patrick Schoeck. C’est important pour la biodiversité. Les selves accueillent elles aussi des espèces très diverses, mais d’une autre nature.» À côté de l’aspect écologique des selves, Mark Bertogliati, commissaire du Musée ethnographique de la vallée de Muggio, en souligne la valeur culturelle: «Dans les années 90, un processus de mise à jour historique a débuté. Les châtaigniers, en tant que bien culturel, étaient presque déjà oubliés au Tessin.» Dans la vallée de Muggio, par exemple, le musée a lancé, avec d’autres organisations locales, plusieurs initiatives pour encourager et faire revivre cette ancienne tradition comme un élément de l’identité locale. Ainsi, on peut par exemple visiter d’anciens ateliers de séchage ou s’adonner à des activités en famille, du ramassage au tri des marrons. Une association tessinoise récompensée L’association tessinoise «Associazione dei castanicoltori della Svizzera italiana» s’engage elle aussi pour la préservation des châtaigneraies depuis 1999: «Nous collaborons étroitement avec des écoles et organisons des excursions dans les selves», indique le président de l’association, Giorgio Moretti. Publications et manifestations sont aussi au programme, tout comme une collaboration scientifique. L’association aide ainsi la Confédération à dresser l’inventaire des espèces de châtaigniers dans le sud de la Suisse et a effectué pour cela des analyses d’ADN. «Nous avons identifié 50 espèces», note le président. En 2022, l’association a reçu le Prix Schulthess des jardins de Patrimoine suisse pour son engagement en faveur de la société civile. «Nous sommes très heureux de cette reconnaissance de notre travail», se réjouit Giorgio Moretti. Sur le plan économique, les châtaigniers n’ont toujours pas un poids énorme. En revanche, ils sont devenus une attraction touristique: désormais, en automne surtout, on peut faire de longues promenades dans de grandes châtaigneraies. Et, en octobre, des fêtes de la châtaigne ont lieu dans différentes villes et villages, notamment à Ascona ou à Fully, en Valais. Le fait qu’une partie des marrons doivent être importés pour la plupart de ces célébrations ne casse en rien leur ambiance. À gauche: les châtaigneraies clairsemées, appelées «selves», constituent un paysage culturel jadis typique du Tessin et précieux en matière de biodiversité. Photo Giorgio Moretti À droite: en Suisse, la châtaigne est très présente en hiver, même en ville. On vend des marrons chauds dans de nombreux centres-villes. Et malgré les nouvelles modes, les vermicelles restent un dessert populaire. Photos Giorgio Moretti (1) und Keystone (2) Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 15

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