Revue Suisse 1/2023

MARC LETTAU Une douzaine d’hommes et de femmes se sont réunis dans la capitale fédérale à la fin de l’été 2022. Ils ont travaillé dur, mené d’intenses discussions avec leurs pairs en ligne et, à la fin de la séance, ont pris la pose pour un selfie de groupe. Qu’est-ce qui se tramait là? Le Parti vert’libéral (PVL) fondait sa section internationale, le PVL International. Un pas qui semblait logique au parti, car lors des dernières élections fédérales déjà, en 2019, les candidats vert’libéraux avaient remporté de jolis succès. Cette fondation en petit comité reflète une tendance plus large: les partis politiques de Suisse comptant le plus d’électeurs accordent une importance croissante au rôle des Suisses de l’étranger. Après le pas franchi par le PVL, les six plus grands partis possèdent désormais tous une section étrangère ou un réseau destiné à leurs membres à l’étranger. Le nombre d’électeurs dans la «Cinquième Suisse» ne cesse d’augmenter Cela n’est guère surprenant, car le nombre de Suisses de l’étranger qui s’intéressent à la politique et sont inscrits au registre électoral ne cesse d’augmenter. Si l’on comptait près de 181 000 votants inscrits en 2017, il y en avait déjà 218 000 en 2021. Si cette tendance perdure, il se pourrait que l’on compte 230 000 votants inscrits avant les élections fédérales du 22 octobre de cette année. Cela signifie aussi que, tandis que le nombre des Suisses de l’étranger progresse en moyenne de 1,4 % par an, le nombre de votants inscrits connaît une augmentation plus de trois fois plus forte; cette hausse a atteint en moyenne 4,7 % au cours des quatre dernières années. Cela modifie le poids politique de la «Cinquième Suisse». Si l’on a, pendant des années, comparé le potentiel de celle-ci avec celui du canton de Thurgovie (178 000 votants), elle a désormais rejoint – en termes de nombre d’électeurs inscrits – les cantons du Tessin et du Valais. Autrement dit, en cas de vote serré, les voix de l’étranger peuvent être de plus en plus être déterminantes. Pour les partis politiques, tenir compte de l’électorat de l’étranger reste toutefois complexe. Si les six plus grands partis politiques suisses «investissent» désormais tous dans la «Cinquième Suisse», il n’en reste pas moins que les élections fédérales sont organisées de manière cantonale. Yannik Beugger, du secrétariat général de l’UDC, attire l’attention sur ce point: «La nomination des candidats relève de la responsabilité des partis cantonaux.» Pas de circonscription électorale La raison de la prépondérance des partis cantonaux s’explique facilement: la «Cinquième Suisse» ne constitue pas une circonscription électorale; les Suisses de l’étranger ont le droit de vote dans leur canton d’origine. Et ils ne peuvent également se porter candidats que dans ce canton. Ainsi, ils forment globalement un électorat très fragmenté, et non une «unité politique». L’UDC International, relève Yannik Beugger, a du moins l’intention de rechercher le dialogue avec les partis cantonaux qui pourraient présenter leurs propres listes de candidats suisses de l’étranger. Le PS, par exemple, a déjà quelque expérience en la matière. Le PS international a mené une campagne électorale autonome en 2019, proposant ses propres listes dans plusieurs cantons, et parvenant ainsi à mettre ses L’intérêt des grands partis pour la «Cinquième Suisse» En vue des élections fédérales de 2023, on note que les plus grands partis réagissent au poids politique croissant de la «Cinquième Suisse». Désormais, ils possèdent tous soit une section internationale, soit un réseau pour les personnes intéressées. propres thématiques en avant. Lors des élections fédérales de 2023, le PS genevois pourrait miser sur une liste séparée de candidats suisses de l’étranger. Par ailleurs, le PS entend faire la promotion ciblée de listes électorales comptant des candidats issus de la «Cinquième Suisse». En outre, d’après le secrétaire international du PS, Sandro Liniger, le PS veut organiser des manifestations liées à la campagne électorale dans des pays clés. Les voix «perdues» Lorsqu’on parle du poids politique de la «Cinquième Suisse», on est obligé d’aborder le sujet qui fâche, à savoir le vote électronique. Actuellement, plus aucun canton ne propose la possibilité de voter en ligne. Ainsi, outre-Atlantique surtout, de nombreuses personnes désireuses de participer au débat politique en Suisse en sont de facto exclues. Leur voix, souvent, ne peut pas arriver à temps en Suisse par courrier postal. Sandro Liniger, représentant du PS, commente cela ainsi: «Sans l’e-voting, la participation aux élections des Suisses de l’étranger est plus basse d’un tiers environ.» C’est pourquoi le PS international réclame l’introduction du vote électronique. Il n’est pas le seul à l’exiger. Les Suisses de l’étranger eux-mêmes peuvent aussi faire pression: s’ils s’inscrivaient au registre électoral, la question de savoir comment exercer les droits politiques qui leur sont garantis deviendrait encore plus urgente. Vous trouverez la version complète du sondage des partis ci-contre en version numérique, sur revue.link/lespartis Le formulaire de demande d’inscription au registre électoral peut être téléchargé ici: revue.link/formulaire Revue Suisse / Janvier 2023 / N°1 20 Politique

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