Revue Suisse 2/2023

côtistes et charismatiques proposent également des rituels de délivrance en Suisse. Et un officier de l’Armée du Salut du canton de Zurich offre lui aussi de tels services, attirant à lui de nombreux intéressés. Dans plusieurs branches de l’islam, l’exorcisme est connu sous le nom de «ruqya», et il est également pratiqué en Suisse, note Georg Schmid. Qui mentionne, par ailleurs, le boom des offres ésotériques ou néochamaniques pour chasser les esprits du Mal des habitations. Pas de monopole Il n’est pas rare que les gens aient tour à tour recours aux services de différentes personnes, relate Georg Schmid: «Ce type de ‹parcours› ne plaide pas en faveur de l’efficacité de la pratique exorciste.» Ce qui est certain, c’est qu’en matière d’exorcisme, l’Église catholique n’a pas le monopole en Suisse. Et sous sa forme ancienne, le rituel n’est plus proposé à l’évêché de Coire. Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg ainsi que celui de Bâle proposent en revanche toujours des services de délivrance. En Suisse romande, deux prêtres nommés par l’évêque pratiquent l’exorcisme, et à Bâle, cette charge revient à l’évêque auxiliaire émérite, Martin Gächter. Les deux diocèses insistent sur le fait qu’ils travaillent en étroite collaboration avec des psychiatres. Interviewé par le portail d’actualités «kath.ch», Martin Gächter relate qu’il commence par écouter les personnes tourmentées qui font appel à lui avant d’effectuer pour elles une prière de délivrance. En 30 ans, il n’a pratiqué qu’un seul grand exorcisme. Quinze séances ont été nécessaires pour délivrer une femme de ses démons. des crucifix. En Suisse, on pratique davantage de petits exorcismes que de grands, si tant est qu’on en pratique. Y sont habilités les prêtres nommés par un évêque. Au diocèse de Coire, Christoph Casetti était l’exorciste en chef. Son avis mortuaire indique qu’il remplissait officiellement cette fonction, parmi d’autres, depuis 2014. Des voix critiques Une station de radio allemande a un jour taxé Christoph Casetti de «chasseur de démons le plus connu de Suisse». Lui-même a défendu plusieurs fois publiquement les rituels catholiques face aux voix critiques qui s’élevaient au sein et en dehors de l’Église. Et qui reprochaient au diocèse de Coire d’entretenir par l’exorcisme une vision du monde traditionaliste et autoritaire. Un théologien lucernois déclarait en 2017 à la télévision suisse que le diable avait toujours été l’un des moyens de pression de la «pédagogie noire» de l’Église. Des psychiatres redoutaient que les croyants atteints de maladies psychiques renoncent aux thérapies qui avaient fait leurs preuves. Christoph Casetti leur opposait qu’un prêtre n’avait le droit d’envisager un exorcisme que lorsque toute maladie était exclue. Il rejetait aussi l’étiquette d’obscurantiste moyenâgeux qu’on lui prêtait. Les exorcismes, disait-il, sont nécessaires à toute époque pour contrer les «puissances diaboliques»: Jésus déjà, soulignait-il, «guérissait et délivrait». L’exorciste de Coire disait recevoir chaque mois des dizaines de demandes de personnes qui se sentaient possédées par un esprit maléfique. Et pas seulement des fidèles du diocèse, mais aussi de nombreux croyants d’Allemagne. Un spécialiste salue la décision de l’évêque Pour Georg Schmid, spécialiste en sciences religieuses, l’évêché de Coire était un «haut lieu de l’exorcisme», qui attirait tous les individus à la recherche d’un exorcisme dans l’espace germanophone. Georg Schmid dirige le centre d’information évangélique Relinfo, près de Zurich, qui conseille des personnes de toute orientation religieuse. Relinfo salue la décision de l’évêque de Coire de supprimer le poste d’exorciste officiel: «Quand des gens se sentent accablés par des esprits maléfiques et s’adressent à l’Église, ils sont nettement mieux aidés, d’après notre expérience, par un accompagnement spirituel que par des rituels d’exorcisme.» Ces dernières années, Relinfo a reçu un nombre croissant de questions sur l’exorcisme ou les «services de délivrance», comme on nomme les activités visant à chasser les esprits maléfiques. D’après Relinfo, cette hausse est en partie due à l’arrivée de migrants issus de pays où la croyance aux esprits est répandue. Cependant, des Églises libres pentePar sa décision de supprimer le poste d’exorciste, l’évêque de Coire, Joseph M. Bonnemain, se démarque aussi de ses prédécesseurs très conservateurs. Photo Keystone Revue Suisse / Mars 2023 / N°2 11

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