ciper à des expositions et des événements, tient des conférences. Dans le cadre de ses engagements internationaux, elle rencontre certaines des personnes que son beau-père a aidées. En 2018, elle publie, avec l’aide d’une historienne, le livre «Under Swiss Protection», dans lequel des personnes sauvées témoignent de cette époque. Visites dans les écoles Peu de temps auparavant avant la parution du livre, Agnes Hirschi avait raconté pour la première fois sa propre histoire à l’occasion d’une exposition à Berne. Après ce long silence, cela a été libérateur, dit-elle. Depuis, elle a découvert plusieurs choses sur sa propre vie: elle en sait par exemple davantage aujourd’hui sur ses racines juives. Cependant, parler de son parcours la bouleverse aussi, avoue-t-elle. Mais lorsqu’elle rend visite à des écoles en Suisse, la Bernoise répond aux questions personnelles des enfants. Ils font preuve d’un vif intérêt pour le courage civil de Carl Lutz et le sujet de l’Holocauste, note-t-elle: «Cela me réjouit.» Son travail semble porter ses fruits. Son beau-père, ce héros de l’Holocauste si longtemps oublié, est aujourd’hui mis à l’honneur aussi par la Suisse officielle. Il a été réhabilité à titre posthume en 1995, et une pièce du Palais fédéral porte son nom depuis 2018. Agnes Hirschi était présente à l’inauguration de la plaque commémorative. Elle reconnaît que les choses vont dans le bon sens. «J’aurais simplement aimé que mon beau-père bénéficie de ces honneurs de son vivant», ajoute-t-elle. Elle salue le fait que le futur mémorial suisse pour les victimes de l’Holocauste (voir encadré) prévoie aussi de rendre hommage aux Suisses qui ont aidé les personnes persécutées. Ellemême, malgré son grand âge, a l’intention de continuer d’informer et d’expliquer: «Je le ferai tant que je le pourrai.» il n’a pas sauvé que la vie de sa mère et la sienne. Selon les estimations, Carl Lutz a protégé 50 000 juifs hongrois de la déportation, des exécutions et des marches de la mort. Le vice-consul se sert du fait que son service représente les intérêts de la Grande-Bretagne et est ainsi chargé de l’émigration des juifs vers la Palestine. Après l’invasion de la Hongrie par les Allemands en mars 1944, des juifs inquiets se pressent devant la «Maison de verre». Le diplomate se casse la tête pour savoir comment les aider. Après quelques jours de lutte intérieure, il place sa conscience au-dessus de tous les ordres. Carl Lutz met sur pied un système de protection diplomatique et humanitaire, qui deviendra l’une des plus grandes actions de sauvetage civile de juifs de la Seconde Guerre mondiale. En Suisse: pas de mercis, mais un blâme Concrètement, Carl Lutz et ses collaborateurs émettent bien plus de lettres de protection suisses que le contingent de 8000 accordé par les nazis et inscrivent ces autorisations d’émigration dans des passeports collectifs. Carl Lutz héberge de nombreuses personnes dans des refuges. Pourtant, se souvient Agnes Hirschi, il n’était pas particulièrement téméraire: «Il était introverti et parlait peu». Originaire d’Appenzell et méthodiste, il a été guidé par sa foi. Sa manœuvre risquée contre l’inhumanité lui a coûté des forces. Mais lorsqu’il rentre en Suisse, après la guerre, il reçoit un blâme, et non des remerciements. Cela l’a amèrement déçu, relate sa belle-fille. En revanche, l’action de Carl Lutz est saluée avec reconnaissance en Hongrie, aux ÉtatsUnis, en Allemagne et en Israël. Alors qu’il est à l’article de la mort, en 1975 à Berne, aigri et esseulé, Carl Lutz fait promettre à sa belle-fille de parler de son action de sauvetage et de rappeler aux jeunes les crimes de l’Holocauste. Depuis qu’elle a pris sa retraite, il y a 20 ans, Agnes Hirschi honore infatigablement sa promesse. Elle fait de longs voyages pour partiAgnes Hirschi doit son sauvetage au diplomate suisse Carl Lutz, qui a protégé des dizaines de milliers de juifs de la persécution et de la mort. La Suisse officielle a tardé à lui rendre hommage. Photo Keystone The Last Swiss Holocaust Survivors Portraits de survivants qui ont trouvé une nouvelle patrie en Suisse. Édité par la Gamaraal Foundation/Anita Winter. Stämpfli Verlag 2023. 96 pages, CHF 30.-, Euro 39.- Exposition numérique des portraits: www.gamaraal.com/ exhibition Revue Suisse / Mai 2023 / N°3 23
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