Revue Suisse 1/2024

population, déjà en contact avec la drogue ou au bénéfice d’un traitement de substitution, est désormais aspirée par cette drogue. «Nous accueillons des gens qui peuvent être proches de la retraite, souvent malades et qui vivent parfois à l’hôtel. Quelles sont leurs perspectives?», se demande Pascal Dupont. À Genève, les travailleurs sociaux de Quai 9 apportent des bouteilles d’eau et à manger à des consommateurs épuisés, trouvés dans la rue. Des lieux d’accueil d’urgence offrent des moments de répit et des institutions accueillent tant bien que mal des usagers de crack, mais les seuils habituels – par exemple la durée minimale du séjour – sont parfois trop élevés pour ces profils instables. «Le politique veut éviter les abcès de fixation, mais il faut aussi réfléchir aux moyens médicaux et psychosociaux d’accompagner ces personnes», souligne Gérald Thévoz. Ce spécialiste évoque un traitement qui serait basé sur la prescription médicale d’héroïne. Et en effet, les autorités de Zurich, Berne et Lausanne étudient la piste d’une vente régulée de la cocaïne. nève, parmi lesquelles des hommes et des femmes issus de la migration. Ailleurs en Suisse, le chemin du crack est celui d’un produit «cuisiné» par l’usager et parfois en partie revendu. «L’hyperdisponibilité de la cocaïne est partout», relève Frank Zobel. «Les scènes varient selon les composantes sociales et géographiques», ajoute Nicolas Cloux, directeur de la fondation d’aide aux personnes toxicomanes le Tremplin, à Fribourg. Dans ce canton, les usagers de psychotropes consomment plus qu’ailleurs des médicaments. «Si le crack préfabriqué arrive chez nous, nous profiterons de l’expérience de Genève», indique Nicolas Dietrich, le délégué fribourgeois aux addictions. Ce canton, qui a déjà observé les prémices de cette drogue, a mis en place un groupe de travail dédié à ce produit. La précarité mise en cause Le succès du crack en Suisse serait en partie lié à la précarité. «La Suisse se trouve à un point culminant d’une détérioration des conditions sociales et économiques», estime Hervé Durgnat, membre d’une commission cantonale d’experts en matière d’addiction pour le Canton de Vaud. La consommation du crack dans les rues suisses a surpris les professionnels. «Nous pensions que la situation des scènes ouvertes de crack était étrangère à un pays riche comme la Suisse», admet ce spécialiste. Une partie de la Une addiction visible: les accros au crack offrent un spectacle frappant, particulièrement dans les villes, comme ici à Genève. Photo Nils Ackermann, Lundi13 Thomas Herquel, de l’association «Première ligne», sur son lieu de travail aux allures de clinique, le Quai 9 à Genève. Certains toxicomanes font preuve d’agressivité, confie-t-il. Photo Nils Ackermann, Lundi 13 Revue Suisse / Janvier 2024 / N°1 15

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