rodrome militaire de Meiringen –, on pourrait avoir l’impression que la Suisse est devenue plus silencieuse en comparaison avec le souvenir du vacarme d’autrefois. Vous rappelez-vous les anciens trains de marchandises, avec leurs crissements et leurs ferraillements sans pitié, que l’on entendait à des kilomètres à la ronde? Aujourd’hui, ce type de wagons est interdit, et les Intercity modernes semblent ronronner lorsqu’ils filent à travers le paysage à plus de 200 km/h. Et que dire des voitures, camions et tracteurs d’il y a 50 ans? Comme leurs moteurs pétaradaient et vrombissaient! Cela aussi, c’est du passé. Aujourd’hui, c’est le bruit de roulement qui pose problème, car les moteurs sont devenus presque inaudibles. Lors du roulement, un bruit se produit quand l’air constamment comprimé entre le pneu et le revêtement routier s’échappe en sifflant. Des pneus larges compriment davantage d’air et émettent donc plus de bruit que des pneus étroits. Mais il existe déjà des pneus dits «silencieux», dotés de rainures spéciales et de revêtements aux larges pores, où l’air peut se tapir presque sans bruit. Ironiquement, ce sont les jeunes fans de tuning qui rappellent le boucan d’antan. En trafiquant le pot d’échappement de leurs voitures tape-à-l’œil, ils font en sorte qu’elles émettent un bruit aussi fort que possible. Il est interdit, bien sûr, de traverser un centre-ville à circulation réduite au volant d’un tel carrosse. Ce qui rend la tentation encore plus forte... Des véhicules dangereusement silencieux Cela aussi, on ose à peine le dire tout haut: parfois, ce n’est plus l’excès de bruit qui pose problème, mais son absence. Lorsqu’elles roulent lentement, les voitures électriques sont si silencieuses qu’on ne les entend presque plus, ce qui représente un danger pour qui se trouve à proximité. Ainsi, ces voitures doivent être équipées d’un générateur de bruit. On comprend mieux certaines choses si l’on établit une distinction importante entre les bruits: certains ne sont qu’un effet secondaire, issus de sources comme une tondeuse à gazon ou une centrale à béton, par exemple. Lorsqu’on parvient à les réduire, la plupart des gens sont contents. Mais il y a aussi les bruits qui sont produits exprès pour être entendus, comme les carillons d’église, les sonnailles des vaches ou encore la vibration d’un cor des Alpes. Là, lorsqu’on parle de «bruit» et qu’on exige le calme, le ton peut vite monter dans le voisinage. Les autorités doivent trancher au cas par cas. Les cloches des vaches, un grand classique De tels conflits sont parfois difficiles à résoudre. Ils finissent souvent devant les juges. Il y a bientôt 50 ans déjà, le Tribunal fédéral a dû examiner un litige lié à des cloches de vaches. Et il a estimé que laisser tinter des sonnailles près des habitations pendant la nuit allait, dans certains cas, au-delà de ce qui pouvait être toléré. Mais les agriculteurs ne perdent pas toujours la bataille. À Aarwangen, une commune importante de Haute-Argovie, dans le canton de Berne, où un nouveau litige concernant des cloches de vaches a éclaté récemment, un tournant inattendu s’est produit: des habitants ont rassemblé des signatures non pas contre le paysan, mais en sa faveur. Et, par mesure de précaution, en faveur aussi des cloches de l’église. Soudain, le débat a dépassé le cadre du pâturage: ce qui était en jeu désormais, c’était rien de moins que «la culture et la tradition de notre pays». Lors de l’assemblée communale de décembre 2023, le camp favorable aux cloches a remporté une victoire éclatante. À Aarwangen, il est désormais interdit d’exiger l’interdiction des cloches. Silence dans les clochers Les conflits liés aux carillons des églises sont aussi récurrents. Cependant, il semble que leur résolution aille toujours dans le même sens: à l’instar du nombre de fidèles que compte l’Église, le bruit des clochers a tendance à décroître. En plusieurs endroits, les cloches sonnent déjà bien moins longtemps qu’auparavant. À certaines heures, elles se sont même complètement tues. Et lorsque, pour couronner le tout, la foudre frappe un clocher, comme l’été dernier à Menziken (AG), les plaisanteries fusent: c’est Dieu lui-même, ironisent les opposants aux cloches, qui s’est immiscé bruyamment dans le débat pour ordonner le silence. Les sonneries des cloches d’église, et très souvent aussi le tintement des cloches de vaches, irritent le nerf auditif de nombreuses personnes en Suisse. Photo Keystone Revue Suisse / Mars 2024 / N°2 13
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