Revue Suisse 3/2024

L’antisémitisme se réveille à l’occasion de crises. À Lausanne, l’éditrice et militante de gauche E.G. (nom connu de la rédaction) fait part de son amertume: «Ma fille s’est mariée et je suis très contente qu’elle ait changé de nom.» Elle-même se sent blessée par les discours antisémites sur les réseaux sociaux: «Il y avait très peu d’empathie pour les victimes du 7 octobre.» «L’antisémitisme c’est une série de petites blessures», raconte à Genève Félix, un spécialiste des affaires sociales qui a découvert un matin de novembre un tag antisémite à l’entrée de son immeuble. Une croix gammée était accolée à l’étoile de David. Le jour même, Félix publiait un appel sur son compte Facebook. «Si vous avez fait ça, venez en parler avec moi, je vous accueillerai en toute humanité», indiquait ce post, dont l’auteur est le seul juif de son immeuble. «J’ai eu peur pour ma fille de 15 ans qui vit avec moi», raconte Félix, dont la fille n’est pas juive. «On me renvoie à mon identité, alors que je ne fais partie d’aucune communauté», raconte ce Genevois, dont les premiers souvenirs de paroles antisémites remontent à l’école. Les services de la municipalité sont intervenus rapidement pour effacer le graffiti. Le nouveau rabbin de la Communauté juive libérale de Genève, Nathan Alfred, compare l’antisémitisme, comme le racisme et le sexisme, à une maladie. «La misogynie n’est pas le fait des femmes. La victime n’est pas le problème. C’est à toute la société de les régler», dit-il. Les fidèles lui font part de leurs inquiétudes. Peut-on poser une mezouzah – cet objet de culte juif – sur sa porte? Lui-même a décidé de la placer à l’intérieur de sa maison. «Six mois auparavant, je l’aurais mise à l’extérieur», dit-il. * «Albert, Esther, Liebmann, Ruth et les autres – Présences juives en Suisse romande». Francine Brunschwig, Marc Perrenoud, Laurence Leitenberg, Jacques Ehrenfreund, Éditions Livreo-Alphil, 2023. À Zurich, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour exprimer leur solidarité avec la victime juive de l’attaque au couteau du 2 mars. La manifestation a été organisée par le groupe «Gemeinsam Einsam», qui encourage le dialogue entre les personnes de confession musulmane et juive. Photo Keystone Revue Suisse / Mai 2024 / N°3 13

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