de la randonnée» pour trouver la solitude convoitée; de gravir un sommet connu «par son versant le moins spectaculaire»; ou d’aller marcher près de chez soi: «Le premier jour de l’an, dans le brouillard, nous n’avons pas rencontré âme qui vive dans le vignoble zurichois.» Thomas Widmer vit à Zollikerberg, près de Zurich. Beauté et vérité En arpentant la Suisse, il découvre un pays d’une grande beauté. Et il découvre aussi sa vérité, comme il le dit: mitage galopant, agonie des vallées de montagne. Thomas Widmer mentionne le Val Bavona, une vallée du Tessin qui n’est plus habitée qu’en été et qui a récemment été touchée par de graves intempéries. Les habitants avaient jadis aménagé des champs «suspendus» aux rochers, les prati pensili, pour tirer quelque subsistance de ces maigres terres: «Des témoignages culturels touchants.» Il constate avec plaisir que les paysans se sont mis à la vente directe. Les produits locaux proposés par les fermes, miel ou glaces, sont «l’une des grandes joies de la randonnée». Tout comme les produits agricoles de montagne: «Quand je rentre chez moi avec un bon fromage fabriqué à l’alpage de Siez (SG), j’ai dans la bouche le goût des terres que je viens d’arpenter. N’est-ce pas génial?» Thomas Widmer compte continuer à marcher jusqu’à ce qu’il n’en soit plus capable. La liste des randonnées qu’il souhaiterait effectuer ne cesse de s’allonger: «Une cruelle lucidité m’oblige cependant à reconnaître que je ne parviendrai pas à toutes les faire dans ma vie.» rêter dans une auberge perdue fait également partie intégrante de la randonnée. Ne serait-ce que pour honorer «le fait que quelqu’un tienne une auberge aussi isolée». La randonnée, une technique culturelle Thomas Widmer a pris goût à la randonnée pendant ses études d’islamologie à Berne. En ville, le monde rural de ses origines lui manquait. Aujourd’hui, la randonnée lui sert de technique culturelle pour faire face à la fébrilité des temps numériques. À pied, le temps s’écoule autrement: «À chaque heure qui passe, je respire et perçois mieux ce qui m’entoure, le parfum des fleurs et de la résine, la beauté d’un papillon ou parfois même un cerf en forêt.» La meilleure randonnée est celle où il rentre à la maison «épuisé, mais en pleine harmonie». A son avis, s’il y a de plus en plus de gens qui randonnent, c’est parce qu’ils ont envie de s’évader: «Dans notre petit pays densément peuplé, le silence et l’espace sont devenus un luxe.» Seulement voilà: le boom de la randonnée a entraîné une fréquentation excessive des sentiers, que les marcheurs doivent désormais partager avec un nombre croissant de vététistes. Des moyens de transport toujours plus modernes donnent accès aux sommets, la musique résonne dans les «pumptracks» des montagnes où sont installés des châteaux gonflables en plastique. Ne pas suivre le troupeau Mais Widmer garde la tête froide face à une telle évolution. Quiconque a déjà pris un train de montagne ou fréquenté un restaurant d’altitude en est un peu responsable et ne devrait pas trop s’en plaindre, dit-il. Personnellement, il la trouve pratique, «cette répartition du travail entre des montagnes envahies par une publicité agressive et celles où l’on est parfaitement seul.» Comme partout dans le tourisme, dit-il, on n’est pas obligé de suivre le troupeau. Souvent, il suffit d’«avoir le courage de quitter les autoroutes «Randonner à plusieurs permet de partager son émerveillement et de l’amplifier», déclare Thomas Widmer, ici au Bütschelegg (BE), avec le Mönch et la Jungfrau à l’horizon. Photo Keystone THOMAS WIDMER «Neue Schweizer Wunder. Ausflüge zu kuriosen und staunenswerten Dingen», éd. Echtzeit Verlag 2024. 232 pages (en allemand), CHF 28.00 Les conseils de randonnée de Widmer pour la «Cinquième Suisse»: www.revue.link/randonneur Blog: widmerwandertweiter.blogspot.com Revue Suisse / Octobre 2024 / N°5
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