4 JÜRG STEINER Telle une grande forteresse, la clinique du Noirmont trône sur la colline au-dessus du village jurassien du même nom. À l’arrière du bâtiment bée la gorge profonde et escarpée du Doubs, déjà française de l’autre côté de la vallée. Devant, à ses pieds, s’étend le haut plateau des Franches-Montagnes, couvert de forêts et peu peuplé à l’échelle suisse. La clinique du Noirmont, située à l’orée de la Suisse, est le plus grand centre national de réadaptation pour les personnes malades du cœur. C’est l’endroit idéal pour commencer notre périple d’exploration à travers le plus jeune canton du pays, où le cœur joue un rôle de premier plan. L’histoire rebelle du canton du Jura est aussi celle d’activistes qui avaient du cœur au ventre. Et cette histoire touche le cœur mêmes des non-Jurassiens, car il en émane un esprit de générosité, de non-conformisme et de liberté. Comme un contrepoint romantique à la Suisse éprise d’efficacité, de ponctualité et de compétitivité. Cinquante ans après, que reste-t-il de ce cœur combattant du Jura? A-t-il Face au vent, En 1974, les Jurassiens décidaient dans les urnes de se séparer de Berne pour former leur propre canton. Qu’est-ce qui caractérise la contrée la plus frondeuse de la Suisse, cinquante ans plus tard? Exploration à vélo. Notre vélo est prêt et notre exploration du Jura débute dans un paysage grandiose: à gauche Les Breuleux; à droite, dans la brume, Le Noirmont. Photos J. Steiner (en haut), Keystone (en bas) disparu derrière le mythe ou reste-t-il encore bien vivant? Ce n’est pas un hasard si nous avons choisi de chercher la réponse à cette question en parcourant le Jura à vélo d’ouest en est, du Noirmont au chef-lieu du canton, Delémont. Le canton du Jura est né de la persévérance de ses habitants face aux vents contraires de la politique. Et les vents contraires soufflent fort lorsqu’on roule à vélo sur les crêtes exposées de la chaîne du Jura. Plaies ouvertes Le dimanche 23 mars 1974, à l’annonce des résultats du scrutin, on a immédiatement compris qu’il s’agissait là d’un jour historique. «Il pleut la liberté», déclarait poétiquement Roger Schaffter, un leader politique du Rassemblement jurassien, alors que la pluie se mettait à tomber sur les escaliers de l’hôtel de ville de Delémont. Une petite majorité des citoyens des sept districts jurassiens venait de se prononcer en faveur de la séparation avec le canton de Berne. Et de corriger ainsi le verdict de 1815, 4 En profondeur
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