Revue Suisse 5/2024

9 SUSANNE WENGER La ministre des finances, Karin Keller-Sutter (PLR), ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. «Les finances fédérales sont dans le rouge», a déclaré la conseillère fédérale dès le début de l’année. Le budget fédéral de 2025, qu’elle a présenté avant les vacances d’été, sera déjà allégé de plus de deux milliards de francs. Plusieurs mesures à court terme y contribueront, notamment des réductions linéaires touchant tous les départements (et auxquelles n’échappera pas la «Revue Suisse»: cf. page 33). Le fait que le budget proposé n’affiche qu’un léger déficit (85,7 milliards de recettes contre 86,5 milliards de dépenses) est dû à la hausse des recettes fiscales attendue par l’État. Cependant, les mesures d’austérité ne font que commencer, prévient Karin Keller-Sutter. Les projections du gouvernement font état d’un déficit structurel (partie du déficit non imputable à la conjoncture) de l’ordre de 2,5 milliards de francs à partir de 2027. Néanmoins, soutient la ministre des finances, un tel déficit irait à l’encontre du «frein à l’endettement» que la Suisse a adopté par décision populaire en 2003. Dans quels secteurs faire des coupes? La menace des chiffres rouges est due à une «forte hausse des dépenses», souligne Karin Keller-Sutter. Il va donc falloir se serrer la ceinture. Mais dans quels secteurs devra-t-on faire des coupes? Deux tiers des dépenses fédérales sont liées à la loi, et d’influents lobbys au Parlement savent très bien comment préserver leur chasse gardée. De plus, les partis ne sont pas d’accord sur la manière d’appliquer le frein à l’endettement: la droite préconise une discipline budgétaire très stricte, tandis que la gauche estime qu’il devrait exister une certaine marge d’interprétation. Une chose est sûre: le taux d’endettement de la Suisse, c.a.d. le rapport entre la dette publique et le PIB, a de nouveau augmenté durant la pandémie de coronavirus. Mais au cours des vingt années de stabilité financière qui ont précédé, les dettes avaient non seulement été évitées, mais même effacées. Le taux d’endettement de la Suisse reste faible en comparaison internationale. Les détracteurs de Karin Keller-Sutter rétorquent que la hausse des dépenses qu’elle décrie ne sont pas sans utilité: sécurité sociale, qualité des infrastructures. Autant de questions qui font l’objet de débats passionnés depuis des mois à Berne, de manœuvres hâtives et de marchandages au Parlement, le tout avec des implications particulièrement importantes en matière de sécurité et de coopération internationales. Au milieu de ces appels aux restrictions budgétaires, la majorité du Parlement entend toutefois augmenter le budget de l’armée de quatre milliards de francs avant 2030, soit plus tôt que ce qui était prévu au départ, en raison de la dégradation du contexte sécuritaire sur la toile de fond de la guerre en Ukraine. Le Conseil des États propose de compenser la moitié de cette hausse des dépenses par des coupes dans l’aide au développement car, argumente-t-il, les fonds alloués à cet effet ont augmenté au cours de ces dernières années, sans que pour autant tous les projets d’aide aient été véritablement efficaces. Prendre de l’argent aux plus démunis pour le donner à l’armée: cela pèserait d’autant plus lourd dans Marchandages au Parlement L’armée verra son budget augmenter, alors même que la Confédération prétend faire des économies en vue des déficits attendus pour ces prochaines années. En Suisse, les finances fédérales font actuellement l’objet d’âpres débats. Karin Keller-Sutter, ministre des finances, ne cesse de tirer la sonnette d’alarme: les mesures d’austérité ne font que commencer. Photo Keystone la balance que le Conseil fédéral prévoit à son tour de détourner l’aide au développement pour financer une partie de son budget consacré à l’Ukraine au cours des quatre prochaines années. La décision prise par le Conseil des États en juin dernier a suscité de nombreuses critiques, non seulement de la part de la gauche et des organisations d’aide au développement, mais aussi de la part de l’Association de politique étrangère et du Secrétariat d’État à l’économie. Les opposants font valoir que l’aide au développement devrait également faire partie intégrante d’une politique de sécurité éclairée et que la solidarité de la Suisse dans le monde est en jeu. Un automne financier brûlant Le Conseil national devait voter le budget de l’armée lors de sa session d’automne (après la clôture de la rédaction de la «Revue Suisse»). En outre, un groupe d’experts externes mandaté par le Conseil fédéral devait présenter des propositions destinées à assainir le budget fédéral. Depuis le printemps, ce groupe a passé au peigne fin toutes les dépenses et subventions de l’État. Une série de tables rondes suivra, et les principales décisions seront prises lors de la session d’hiver du Parlement. La Suisse a un automne et un hiver financiers brûlants devant elle. Cet article reflète la situation à la date de clôture de notre rédaction, le 26 août 2024. Revue Suisse / Octobre 2024 / N°5 Nouvelles

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