Après la catastrophe de Fukushima, la conseillère fédérale Doris Leuthard a préparé le terrain pour la sortie du nucléaire. Le 25 mai 2011, elle a déclaré que la Suisse ne remplacerait pas ses centrales à l’expiration de leur durée d’exploitation. souverain au-dessus de tout. Pour le conseiller national PS Roger Nordmann, la décision du gouvernement contredit complètement la volonté du peuple en matière de politique énergétique et climatique. Dans plusieurs scrutins, souligne-t-il, les Suisses ont exprimé très clairement leur souhait de voir s’opérer un abandon progressif du nucléaire et la mise en place d’un approvisionnement sûr en électricité au moyen d’énergies renouvelables. La sécurité de l’approvisionnement s’installe au cœur du débat Tandis que le risque de catastrophes a été décisif pour l’abandon de l’atome, la discussion tourne aujourd’hui autour de la sécurité de l’approvisionnement. La décarbonation entraînera une augmentation des besoins en électricité, prévoient les partisans du nucléaire. Pour atteindre l’objectif climatique «de zéro net» d’ici 2050, il faut en effet électrifier les transports et les chauffages. De plus, la croissance de la population stimule la demande en électricité. Or, celle-ci n’est plus disponible de manière illimitée, comme l’a clairement montré la crise énergétique déclenchée par l’agression russe en Ukraine. Un manque d’électricité en hiver est devenu un scénario plausible en Suisse. Les autorités ont donc élaboré des plans d’urgence. Soudain, un mot jusqu’ici rare s’est retrouvé sur toutes les lèvres: pénurie. L’ancienne ministre de l’Énergie, Simonetta Sommaruga, appelait les Suisses à faire preuve de parcimonie en cuisine et à se doucher à deux. Grâce à la conjugaison de plusieurs facteurs favorables, les plans de crise n’ont pas dû être mis en œuvre durant l’hiver 2022/23. Envisagées un temps pour pallier les manques, les centrales au gaz ont été mises hors jeu par l’objectif de zéro net: elles ne serviraient qu’en cas d’urgence, soit pour combler une pénurie d’électricité pendant quelques semaines. Miser majoritairement sur 5 nucléaires. Cette discussion est oiseuse, voire contre-productive, a-t-il déclaré en septembre 2023 à la «Neue Zürcher Zeitung». Rouvrir le dossier du nucléaire torpillerait les efforts entrepris pour développer les énergies renouvelables, soulignait-il. Mais c’était hier, avant la votation sur la révision de la loi sur l’approvisionnement en électricité, qui prévoit le développement considérable des énergies renouvelables. Albert Rösti ne voulait pas qu’un débat sur l’atome mette en danger ce projet. Sa tactique a fonctionné, puisque le peuple a largement accepté la loi, malgré l’opposition du propre parti du ministre, l’UDC. Formellement, la décision du Conseil fédéral se présente comme un contre-projet à l’initiative populaire «Stop au black-out», qui souhaite lever l’interdiction de construire des centrales nucléaires. Cette initiative est principalement soutenue par des représentants de l’UDC et du PLR, ainsi que du Club Énergie Suisse. Il est fort possible qu’elle soit retirée si le Parlement soutient le contre-projet du Conseil fédéral. Pour les partisans de l’atome, cela aurait un avantage: en cas de votation, seule la majorité du peuple serait nécessaire, et non celle des cantons. La gauche reproche au conseiller fédéral UDC Albert Rösti de mépriser la volonté populaire, d’autant plus que son parti place les décisions du peuple Jusqu’ici, il était prévu que les centrales nucléaires suisses, comme ici Beznau I et II, ne soient pas remplacées après leur arrêt. Mais le Conseil fédéral veut remettre les feux au vert. Photo Keystone Le ministre de l’Énergie Albert Rösti lors d’une conférence de presse en août 2024, au cours de laquelle il a annoncé le nouveau cap décidé par le Conseil fédéral en matière d’énergie atomique. Photos Keystone permis de construire de nouveaux réacteurs trois jours après le tsunami. La même année, le Conseil fédéral décidait de l’abandon du nucléaire à long terme. Les centrales existantes devaient continuer de fonctionner tant que l’autorité de surveillance les estimerait sûres. Cependant, elles ne seraient plus remplacées. Cette décision n’était toutefois pas exempte de contradictions. Si l’on avait évalué différemment la sécurité des réacteurs après Fukushima, les centrales suisses auraient dû être arrêtées bien plus tôt. Comme l’a fait l’Allemagne, par exemple. La Suisse a choisi une voie pragmatique, notamment en raison de l’opinion publique du moment. Dans les années suivant Fukushima, la construction de nouvelles centrales aurait eu du mal à obtenir une majorité. L’habileté tactique du ministre de l’énergie Si la sortie du nucléaire a alors été pilotée par Doris Leuthard, c’est aujourd’hui Albert Rösti qui est aux commandes. Or, ce dernier a toujours été un partisan de l’atome. En reprenant le département de l’énergie après son élection au Conseil fédéral, il s’est vu confier les leviers décisifs. Tactiquement très habile, il a commencé par faire profil bas en défendant les énergies renouvelables et en mettant en garde contre la relance du débat sur la construction de centrales Revue Suisse / Décembre 2024 / N°6
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