SUSANNE WENGER Lorsqu’on visite le journal «Unter-Emmentaler» à Huttwil (BE), on est guidé à travers l’imprimerie bruyante par une employée de l’entreprise Schürch Druck & Medien AG. Au fond du bâtiment, un escalier de bois raide et tortueux mène à la rédaction et à une petite salle de réunion aux murs de laquelle sont accrochés des portraits de la famille des fondateurs. Une famille à laquelle l’entreprise, qui a vu le jour en 1875, appartient toujours. Lors d’une récente mise au concours d’un poste de rédacteur, l’«Unter-Emmentaler» s’est décrit comme l’«un des derniers journaux locaux indépendants de Suisse». Cet après-midi de novembre, la plupart des bureaux sont vides, les journalistes étant en route sous la neige. Six membres de la rédaction se partagent un peu plus de cinq équivalents plein temps et rédigent deux numéros par semaine avec l’aide de dix pigistes. Le bassin de diffusion englobe des parties de l’Emmental et de la Haute-Argovie bernoise ainsi que de l’arrière-pays lucernois. Walter Ryser, journaliste local chevronné, connaît la région comme sa poche. «Un terreau favorable» Responsable des médias de l’entreprise, Walter Ryser fournit des conseils stratégiques à la direction et signe des articles pour l’«Unter-Emmentaler». Il décrit la région comme «rurale et conservatrice» et déclare: «Ici, les traditions sont préservées et la vie s’écoule paisiblement: c’est un terreau favorable pour le journalisme local.» Mais la ville de Langenthal fait elle aussi désormais partie du bas- «Les gens veulent savoir ce qu’il se passe dans leur village» Économiquement sous pression, les groupes de médias suisses font des coupes dans le journalisme local. Cela devient un problème pour la démocratie. Mais le journal «Unter-Emmentaler», qui a 150 ans, continue de rapporter l’actualité des communes et défie la crise. sin de diffusion. «Entre Langenthal et Huttwil, il y a déjà un monde», explique le collègue de Walter Ryser, Thomas Peter, directeur de la rédaction du journal. De la diversité sur un petit territoire: c’est typique pour la Suisse. «Pour le journalisme, c’est un travail d’équilibriste», note Thomas Peter. Mais le journal le maîtrise bien. «Nous faisons ce que les grands éditeurs négligent: du vrai journalisme local», souligne Walter Ryser, en évoquant l’évolution de ces 20 dernières années. La Suisse a longtemps possédé un paysage médiatique très ramifié, un pan important de la structure fédérale. Mais depuis l’an 2000, la numérisation détruit le modèle d’affaires des éditeurs de journaux. Les mesures d’économies et les vagues de fusions ont particulièrement touché le journalisme local. De nombreux titres ont disparu Au moins 70 titres ont disparu entre 2003 et 2021. Les journaux ont cessé de paraître ou ont été intégrés aux rédactions centralisées de plus grandes entreprises de médias. Notamment la Zurichoise Tamedia, qui possède aussi des titres dans le canton de Berne et en Suisse romande. L’automne dernier, Tamedia a annoncé de nouvelles suppressions d’emplois et de nouveaux regroupements. Son objectif déclaré est de développer la présence numérique de ses plus grands titres. Dans les régions concernées, de Genève à Winterthour, la nouvelle a fait un tollé. La région Emmental-Haute-Argovie fait elle aussi les frais de cette évolution: l’ancien journal indépendant «Langenthaler Tagblatt», qui, depuis quelques années déjà, ne paraît plus que sous la forme d’une édition séparée de la «Berner Zeitung», a été entièrement absorbé par ce titre du groupe Tamedia. Séance de rédaction à l’«Unter-Emmentaler»: l’équipe se livre à la critique du journal et définit les nouveaux sujets. Au bout de la table: Walter Ryser. Photo DR «Ici, les traditions sont préservées»: Huttwil, dans le canton de Berne, où l’«Unter-Emmentaler» est produit depuis ses débuts. Photo Keystone Thomas Peter, directeur de la rédaction. Photo DR Revue Suisse / Janvier 2025 / N°1 16 Société
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