Revue Suisse 3/2023

5 DENISE LACHAT Pour son dix-heures, Luc mange une brochette de fruits. En cas de petit creux dans la journée, il croque des légumes crus trempés dans des sauces, et son repas principal se compose d’une salade de pâtes aux tomates cherry et halloumi. Son dessert? Une verrine composée de séré, yogourt, baies et granola. Le père de Luc, qui accompagne son fils de neuf ans au cours de cuisine, avoue dans un clin d’œil qu’il aurait choisi un autre menu: «Mais cela m’amuse beaucoup». Le cours proposé par l’école primaire de Berne a pour but d’encourager les enfants à cuisiner. Car les enfants qui peuvent et savent cuisiner ont une alimentation bien plus diversifiée et équilibrée. Ils sont aussi plus ouverts lorsqu’il s’agit de goûter de nouveaux plats. Changement de décor. Dans l’entreprise Planted Foods SA, au cœur du Kemptthal, la découverte du procédé de fabrication rappelle aussi le temps de l’école, mais plutôt les cours de physique-chimie. Une farine à base de pois, de tournesol et d’avoine est introduite dans une grosse machine, mélangée à de l’eau et de l’huile de colza, pétrie, chauffée et pressée. Le résultat est une plaque de pâte, qui peut être découpée dans n’importe quelle forme selon que l’on souhaite imiter un blanc de poulet, un émincé ou un kebab. Cette usine de l’Oberland zurichois produit un aliment végétal rappelant la viande dans des locaux aux allures de laboratoire, où l’on porte blouse blanche et charlotte de protection. Pas une goutte de sang animal n’est utilisée ici, ce qui correspond exactement à la philosophie de Planted Foods. «Chaque poulet compte» constigiques pour donner à la protéine végétale, globulaire, une forme longue semblable aux fibres musculaires? Pourquoi faire fermenter cette pâte en y ajoutant des microbes comme des champignons et des bactéries? Et, enfin, pourquoi user d’un procédé sophistiqué pour fabriquer des morceaux plus gros, plus complexes, plus juteux et plus tendres, et leur ajouter des micronutriments tels que la vitamine B12? À ces questions souvent posées, Planted Foods a une réponse bien rodée: «L’être humain est un animal d’habitudes. Pour préserver la planète, notre alimentation doit changer. Et cela marche mieux avec un produit qui ressemble à la viande, car il s’intègre mieux dans nos habitudes alimentaires préexistantes.» Des alternatives dans la grande distribution Cela semble correspondre à un besoin des consommateurs. Depuis 1997 déjà, Migros propose des aliments de substitution à base de Quorn, un produit fabriqué avec des champignons comestibles fermentés, et sa marque «Cornatur» a été la première en son genre. La porte-parole du géant orange, Carmen Hefti, indique que les succédanés de viande et autres produits innovants connaissent depuis peu une forte croissance. Aujourd’hui, Migros possède plus de 1000 articles véganes dans son assortiment. Ceux qui marchent le mieux sont, selon la porte-parole, les ersatz de viande et de lait. Autrefois produits de niche, ils séduisent à présent le grand public. Le grand distributeur Coop propose lui aussi depuis 2006 un assortiment complet de substituts de Les Suisses sont en train de modifier fortement leurs habitudes en matière d’achats et de cuisine. Leur intérêt pour la protection du climat joue un rôle dans cette évolution. Les protéines végétales s’invitent de plus en plus souvent dans leurs assiettes. Mais, de manière générale, la viande reste très appréciée. tue l’un des slogans de l’entreprise, qui affirme avoir déjà sauvé plus d’un million de poulets de l’abattoir. Planted Foods se soucie aussi de la protection de l’environnement, l’industrie traditionnelle de la viande étant, selon elle, l’une des principales responsables de la crise climatique. Une alimentation nouvelle pour un animal d’habitudes Davantage de légumes et de céréales dans les assiettes, donc, et moins de viande. Mais pourquoi «reconstruire» de la viande à base de végétaux? Pourquoi ces immenses efforts technoloÀ la recherche de solutions viables pour l’avenir Près de dix milliards d’êtres humains peupleront la terre en 2050. Pour pouvoir tous les nourrir sans mettre en péril notre environnement, la production et nos habitudes alimentaires doivent radicalement changer: nous devrons consommer moins de viande, d’œufs et de sucre, et davantage de légumes et de fruits à coques. À côté des autorités, diverses organisations non-gouvernementales travaillent à cet objectif en Suisse. L’association Fourchette verte Ama Terra, par exemple, qui distingue des entreprises de restauration collective avec son label pour la qualité et la santé, est présente dans 17 cantons. L’objectif est d’encourager la réduction de la consommation de viande et de poisson, l’achat de produits écologiques et respectueux des animaux et la fin du gaspillage alimentaire. Des outils tels qu’«Eaternity», qui calcule le bilan CO2 des menus dans les cafétérias, ou «Beelong», qui attribue une note de A à G aux produits alimentaires, aident eux aussi les cuisiniers des EMS, des hôpitaux, des crèches et des cantines à favoriser une alimentation responsable. (DLA) De bons exemples d’alimentation responsable pour les cantons et les communes: revue.link/menu Revue Suisse / Mai 2023 / N°3

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